Les défaillances du renseignement durant la guerre en Irak : un regard post-mortem

Le Rubicon en code morse
Mai 19

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Cet article est la traduction de « The Iraq War’s Intelligence Failures are still misunderstood », publié sur War on the Rocks le 28 mars 2023.

 

Les États-Unis ont envahi l’Irak il y a vingt ans en se basant sur de faux prétextes. Depuis, les historiens et les spécialistes des sciences sociales ont passé deux décennies à enquêter pour comprendre ce qu’il s’est passé. George W. Bush et d’autres hauts responsables de son Administration ont affirmé que l’ancien président irakien Saddam Hussein possédait des armes de destruction massive et avait des liens avec des groupes néfastes, dont Al-Qaïda. Ces deux aspects combinés constituaient une menace inacceptable pour la sécurité américaine. Cependant, une fois que la coalition dirigée par les États-Unis a renversé le régime irakien en 2003, il est rapidement devenu évident qu’il n’y avait pas d’armes de destruction massive en Irak et aucun lien actif avec le réseau d’Oussama ben Laden.

Le récit déployé autour de la guerre est également controversé : l’Administration Bush croyait-elle réellement que Saddam Hussein représentait une menace qui devait être éliminée par la force militaire, ou les hauts responsables américains ont-ils utilisé le renseignement comme justification publique de cette guerre parce qu’ils souhaitaient utiliser la colère issue du 11 Septembre pour remodeler le Moyen-Orient ? Quelle que soit la réponse à cette question, les historiens ont la responsabilité de comprendre ce qu’il s’est réellement passé. Cependant, leurs découvertes parfois provocatrices ont souvent été reléguées aux oubliettes dans des ouvrages académiques denses ou ont été écartées des conversations polies en raison de la toxicité politique de tout ce qui pourrait être interprété comme un soutien à une guerre désastreuse et mal conçue. Ainsi, le débat dans le domaine de la sécurité nationale reste en grande partie ancré dans des récits dépassés ou même des inexactitudes factuelles, laissant la place à des discours populaires de partisans de tous bords servant à marquer des points dans le débat politique plutôt qu’à faire toute la lumière sur les événements. Contrairement aux « idées reçues » présentées dans les récentes rétrospectives, Saddam Hussein n’a pas cherché à maintenir une ambiguïté stratégique autour de ses programmes d’armes de destruction massive pour dissuader l’Iran, et son idéologie nationaliste arabe ne l’a pas empêché de collaborer avec des individus comme Oussama Ben Laden. En réalité, une grande partie des idées reçues actuelles découlent du même phénomène de « pensée de groupe » que les échecs du renseignement qu’elles critiquent. Elles forment ainsi une analyse certes facile à assimiler, mais toutefois imparfaite. Le vingtième anniversaire de la guerre est l’occasion idéale de faire le point sur ce que nous savons aujourd’hui des échecs les plus graves du renseignement lors de ce moment clef des relations internationales contemporaines.

Depuis la chute du régime de Saddam Hussein, les historiens ont eu accès à des millions de pages de documents internes irakiens qui contiennent les secrets les plus intimes de l’ancien régime. Après l’invasion menée par les Américains, les dissidents irakiens et l’armée américaine ont saisi les archives du régime à Bagdad, y compris celles du secrétariat du parti Baas au pouvoir. La manière dont ces documents ont été récupérés d’Irak a suscité des protestations et des accusations, reprenant la critique de l’appropriation coloniale d’artefacts historiques au Moyen-Orient. Cependant, les archives ont permis la publication d’un flux constant de livres et d’articles décrivant la manière dont Saddam Hussein a gouverné et mené sa politique étrangère. Ces dossiers, ainsi que d’autres projets d’enquêtes et des entretiens avec d’anciens responsables irakiens, offrent un aperçu stupéfiant des échecs des services de renseignement américains en 2003.

Armes irakiennes de destruction massive

Les grandes lignes de l’histoire des armes de destruction massive irakienne sont maintenant bien documentées : le pays en possédait dans les années 1980 et Saddam Hussein en avait ordonné l’utilisation contre les forces iraniennes et même contre son propre peuple. Après la guerre du Golfe, il avait promis de les rendre, mais avait tenté d’en cacher certaines aux inspecteurs du désarmement des Nations Unies. Une fois que le gouvernement irakien avait été pris en flagrant délit de mensonge, Saddam Hussein avait décidé de détruire les armes illicites restantes, secrètement et sans aucun document à ce propos. Ensuite, le gouvernement irakien avait redoublé d’efforts pour affirmer qu’il ne possédait pas d’armes de destruction massive et avait mis les inspecteurs au défi de prouver qu’il avait tort. Au cours des années 1990, les efforts de la communauté internationale et les défections de hauts responsables irakiens, y compris le  gendre de Saddam Hussein en 1995, ont conduit le régime irakien à dire la vérité sur certains de ses programmes passés et à abandonner ce qu’il en restait. À la fin de la décennie, l’Irak avait complètement démantelé ses programmes d’armement illicite.

Pourtant, la question demeure : comment les agences de renseignement américaines, avec toutes leurs ressources, n’ont-elles pas compris ce qu’il s’était passé ? L’accès aux archives internes irakiennes a immédiatement montré d’où provenaient certaines des perceptions tactiques erronées de Washington. Par exemple, le gouvernement américain avait intercepté des extraits de communications irakiennes dans lesquelles de hauts responsables irakiens avaient ordonné qu’un site soit nettoyé avant l’arrivée des inspecteurs de l’Organisation des Nations Unies (ONU). Dans une présentation très médiatisée aux Nations Unies en février 2003, le secrétaire d’État Colin Powell avait cité ces interceptions comme preuve que les Irakiens dissimulaient des programmes d’armement. Les dossiers irakiens permettent de comprendre que le gouvernement américain craignait un « faux positif » provenant des résidus d’un programme mort depuis longtemps.

Cependant, ces découvertes ne suffisent pas à expliquer l’ampleur de l’échec du renseignement américain. Alors que l’Administration Bush se débattait dans un bourbier politique, sa priorité était de comprendre comment ses évaluations avaient pu se tromper à ce point. Lorsqu’un agent du FBI nommé George Piro a interrogé Saddam Hussein après sa capture, l’une de ses missions principales était de répondre à cette question. Après des semaines d’efforts, Saddam Hussein avait laissé échapper qu’il craignait une invasion iranienne. Piro avait sa réponse : le chef d’État irakien avait démantelé ses programmes d’armes illicites, mais il avait voulu laisser un résidu de doute à leur sujet pour dissuader la République islamique d’Iran. Par conséquent, il n’avait pas pu dire la vérité sur le démantèlement complet de son programme d’armement.

L’affirmation selon laquelle Saddam Hussein était intentionnellement ambigu quant à ses programmes d’armement a été renforcée lorsqu’une étude commandée par le gouvernement sur la pensée stratégique irakienne a interrogé d’anciens responsables irakiens. « Pendant de nombreux mois après la guerre de 2003 », raconte le rapport, « un certain nombre de hauts responsables irakiens ont continué à croire qu’il était possible (bien qu’ils aient catégoriquement insisté sur le fait qu’ils ne possédaient aucune connaissance directe) que l’Irak possède encore une capacité d’armes de destruction massive cachée quelque part ». Un général irakien a affirmé que Saddam Hussein poursuivait une stratégie de « dissuasion par le doute ». Si celui-ci n’a pas été franc avec les hauts dirigeants de son propre régime, il est évident qu’il mentait également à la communauté internationale.

Ce récit est encore largement accepté, mais il est trop simpliste. Il permet à la communauté du renseignement de s’en sortir trop facilement. Il suggère que les États-Unis s’étaient appuyés sur des stratégies saines et une analyse compétente, mais qu’ils ont été trompés par le régime de Bagdad. Il ignore le fait que, si Saddam Hussein était certainement fourbe et que ses affirmations sur les armes de destruction massive étaient contradictoires, son régime avait déclaré au monde, et ce pendant une décennie, qu’il ne possédait pas d’armes de destruction massive.

Avant 2003, il n’existe aucune preuve solide que des Irakiens aient affirmé qu’ils possédaient réellement des armes de destruction massive. En outre, les chercheurs n’ont découvert aucune preuve d’une stratégie de « dissuasion par le doute » dans les millions de pages de documents internes irakiens, et le général irakien qui a inventé cette expression est ensuite revenu sur ses propos. Il a affirmé avoir été influencé par des reportages de médias occidentaux et a précisé que Saddam Hussein « n’avait jamais signalé l’existence d’armes de destruction massive ; ni dans une déclaration d’aucune sorte, ni par des allusions ». Malgré tout ce que d’autres généraux irakiens ont pu dire au gouvernement des États-Unis dans un effort de se dédouaner de la responsabilité de leurs crimes sous le régime précédent, les archives irakiennes ont clairement montré que Saddam Hussein a, de façon constante et à plusieurs reprises, transmis la vérité à ses subordonnés sur l’absence de programmes d’armement illicites en Irak. Comme il l’a dit aux dirigeants du régime lors d’une réunion à huis clos à la fin des années 1990, « vous pourriez penser que nous avons encore caché des armes chimiques, des missiles et ainsi de suite. Nous n’avons rien ; pas même une vis ».

Les nouvelles recherches académiques sur les armes irakiennes

Les chercheurs travaillant avec les archives irakiennes ont avancé d’autres théories reposant sur des bases plus solides. Un article important de Gregory Koblentz a souligné le rôle des agences secrètes de renseignement irakiennes dans l’échec de Saddam Hussein à coopérer avec les inspecteurs de l’ONU, et donc dans la formation de perceptions erronées sur ses programmes d’armement. L’agence la plus importante portait bien son nom d’Organisation spéciale de sécurité (Special Security Organization – SSO). Son rôle principal était d’espionner d’autres espions et des membres du parti Baas pour prévenir un coup d’État. Le régime irakien a soumis les membres de l’Organisation spéciale de sécurité aux normes de sécurité les plus élevées et leur a confié ses secrets les plus intimes. Lorsque l’Irak a tenté de cacher certaines de ses armes de destruction massive à la communauté internationale immédiatement après la guerre du Golfe, Saddam Hussein a confié ce programme qui visait à tromper le reste du monde à son agence la plus fiable, la SSO. Plus tard dans la décennie, lorsque l’Irak a démantelé ses programmes d’armement restants, les inspecteurs de l’ONU ont exigé que l’Irak non seulement ouvre ses installations d’armement, mais également dise la vérité à propos des tromperies précédentes. De cette manière, les inspecteurs et le gouvernement américain auraient la certitude qu’on ne leur mentirait plus. Cette exigence a obligé l’Irak à ouvrir la SSO aux inspecteurs internationaux.

Au milieu des années 1990, les États-Unis souhaitaient à l’évidence en finir avec Saddam Hussein. Ils avaient même tenté un coup d’État. Il était également clair que les agences de renseignement américaines travaillaient avec le programme d’inspection des armes de l’ONU et qu’elles l’avaient infiltré. Ainsi, pour dire la vérité sur la tromperie de son gouvernement, Saddam Hussein aurait dû ouvrir à la communauté internationale sa principale organisation de lutte contre les coups d’État. Cela risquait d’exposer cette organisation aux agences de renseignement américaines qui travaillaient à renverser le régime irakien. Comme l’a conclu la Central Intelligence Agency (CIA) dans une rétrospective de 2006, lorsque Saddam Hussein a refusé, les analystes du renseignement à Washington ont supposé qu’il avait quelque chose à cacher. En réalité, il espérait simplement éviter un coup d’État.

Plus récemment, Målfrid Braut-Hegghammer, une éminente experte de la prolifération des armes à l’Université d’Oslo, a produit ce qui est peut-être l’étude la plus approfondie et la plus sophistiquée sur les motivations de Saddam Hussein. Comme elle le dit, « les dirigeants irakiens n’ont pas, comme on le croit généralement, essayé de créer un effet dissuasif par une ambiguïté calculée quant à savoir si l’Irak possédait encore des ADM ». Plutôt que des plans élaborés ou des agendas cachés, les problèmes en Irak découlent parfois d’une bonne vieille incompétence que l’on trouve souvent dans les régimes autoritaires. Les hauts dirigeants comme Saddam Hussein ont eu du mal à communiquer leurs politiques aux fonctionnaires de rang inférieur, ce qui a conduit à des déclarations et des actions contradictoires dans tout le régime. Tout aussi importante est la tentative initiale de Saddam Hussein de tromper les inspecteurs du désarmement, ce qui l’a laissé dans ce que Braut-Hegghammer appelle un « dilemme des tricheurs ».

Une fois que Bagdad a été pris en flagrant délit de dissimulation d’armes et de documents, les inspecteurs de l’ONU et les analystes du renseignement américain ont développé une saine méfiance à l’égard de tout ce que les Irakiens disaient. Lorsque Bagdad a plus tard reconnu certains aspects de ces programmes illicites, les Américains ont estimé que les révélations de l’Irak sur ses méfaits antérieurs étaient des preuves de la duplicité du régime. Ainsi, au lieu d’encourager les Irakiens à coopérer avec les inspecteurs du désarmement, les responsables américains et de l’ONU ont encore davantage serré la vis, espérant leur extirper encore plus de détails cachés. La structure incitative était tout à fait erronée. Chaque fois que Saddam Hussein coopérait, il était puni et, par conséquent, il a fini par cesser de le faire. Comme il l’a dit à ses conseillers : « Nous pouvons avoir des sanctions avec des inspecteurs ou des sanctions sans inspecteurs ; quelles sont celles que vous préférez ? »

Le soutien irakien au terrorisme

Les grandes lignes sur le sujet des armes de destruction massive irakiennes sont bien connues : l’Irak n’en avait pas. Ainsi, la majeure partie de l’analyse post mortem a été interprétative. En ce qui concerne l’autre défaillance majeure du renseignement, les faits de base ne sont toujours pas largement compris. De hauts responsables de l’Administration Bush et des intellectuels de droite ont fait des déclarations fausses et imprudentes sur les liens irakiens avec les terroristes. Malgré ces allusions et affirmations, Saddam Hussein n’avait aucun lien actif avec Al-Qaïda en 2001 et aucun lien avec le 11 Septembre.

Il est important de réfuter de telles affirmations, mais le contrecoup, comme c’est souvent le cas, est allé trop loin. Par exemple, Paul Pillar était un analyste de la CIA qui a servi comme officier national de renseignement pour le Proche-Orient de 2000 à 2005. Cela en a fait la plus haute autorité du pays pour interpréter le régime irakien lors des attentats du 11 septembre en 2001 et de l’invasion de l’Irak en 2003. Lorsqu’aucune preuve n’a été trouvée reliant l’Irak au 11 septembre, il a fait valoir que, parce que Saddam Hussein était à la tête d’une « dictature laïque », le « manque de connexion n’aurait pas dû être surprenant ». C’est un point de vue largement répandu.

Pourtant, alors que l’Irak n’avait aucun lien avec le 11 Septembre, les archives irakiennes ont confirmé que le régime avait une longue histoire de soutien aux terroristes, y compris des islamistes radicaux comme al-Qaïda. En 1994, Ben Laden vivait au Soudan. Le directeur des services de renseignement irakiens, ainsi que le fils de Saddam Hussein, Uday, ont pris contact avec lui par l’intermédiaire d’un Soudanais. Les Irakiens ont rencontré Ben Laden avec l’approbation de Saddam Hussein en 1995. Ben Laden a demandé que les Irakiens commencent à diffuser à la radio un prédicateur salafiste dissident, Salman al-Ouda, en Arabie saoudite, et « [mènent] des opérations conjointes contre les forces étrangères au pays du Hedjaz ». Cette expression était un euphémisme pour dire « attaquer les forces militaires américaines ». Saddam Hussein a personnellement approuvé un plan pour ces émissions, et les services de renseignement irakiens cherchaient des moyens de « développer davantage les relations et la coopération entre les deux parties » lorsque Ben Laden a été expulsé du Soudan et s’est réfugié en Afghanistan en 1996. Le gouvernement irakien a ensuite affirmé que « la relation avec [ce dernier] se poursuivait du côté soudanais. Actuellement, nous travaillons à revigorer cette relation par un nouveau canal à la lumière de son emplacement actuel. » Cependant, il semblerait que Bagdad ait perdu tout contact avec lui.

Le régime baasiste a également apporté son aide à d’autres groupes terroristes islamistes au Moyen-Orient. Saddam Hussein était plutôt ouvert quant au soutien qu’il offrait aux kamikazes palestiniens. Les archives irakiennes indiquent également clairement qu’au début des années 1990, Bagdad a soutenu le jihad islamique égyptien, qui est devenu plus tard une filiale d’al-Qaïda. De plus, en juillet 2001, les services de renseignement irakiens ont travaillé avec un groupe appelé l’Armée de Mahomet (Army of Muhammad) à Bahreïn, que les Irakiens pensaient être une ramification d’Al-Qaïda. Selon les archives irakiennes, les « objectifs » du groupe étaient « similaires » à ceux de Ben Laden, mais il utilisait des « noms différents » comme « un moyen de camoufler l’organisation ». Il est donc clair qu’il n’y avait aucun obstacle idéologique à la coopération entre les Irakiens et le groupe responsable de l’attaque du 11 septembre 2001.

Lorsque certaines de ces informations sont devenues publiques, et en particulier après l’arrivée de certains anciens baasistes dans l’État islamique, quelques analystes ont fait valoir que Saddam Hussein avait non seulement soutenu les islamistes radicaux, mais qu’il était devenu l’un d’eux dans les dernières années de son règne. Il était un « musulman born again » ou un partisan d’une sorte de « baasisme-salafisme ». Ces affirmations provenaient souvent de partisans de la guerre en Irak et visaient à réfuter des gens comme Paul Pillar. En réalité, ils ont simplement répété la même erreur : supposer qu’un dictateur comme Saddam Hussein doive être idéologiquement aligné sur des groupes étrangers pour les soutenir. En fait, des documents internes irakiens montrent sans équivoque que Saddam Hussein n’a pas fait une telle conversion idéologique. Il haïssait toujours les islamistes et faisait tout ce qu’il pouvait pour les réprimer en Irak. Pour autant, cela ne l’a pas empêché de les soutenir à l’étranger lorsque ses intérêts s’alignaient sur les leurs.

Conclusion

Les questions relatives aux armes de destruction massive en Irak et aux liens du régime avec le terrorisme sont devenues des enjeux majeurs de l’histoire internationale du XXIe siècle. Malheureusement, les débats publics sur ces questions n’ont pas suivi le rythme des avancées significatives réalisées par les chercheurs. Saddam Hussein n’a pas essayé de tromper les étrangers en leur faisant croire qu’il possédait des armes de destruction massive comme forme de dissuasion. Le gouvernement américain avait une stratégie erronée, fondée sur de mauvaises motivations et une analyse douteuse. Saddam Hussein n’avait aucun lien avec le 11 Septembre, et il n’était pas un islamiste. Pourtant, ces faits ne l’ont pas empêché de travailler avec Oussama Ben Laden et des groupes comme al-Qaïda.

Ne pas aborder la tragédie de la guerre en Irak dans toute sa complexité risque de créer des récits simplistes qui conduiront les analystes et les décideurs américains à répéter les mêmes erreurs à l’avenir. Blâmer la ruse de Saddam Hussein pour expliquer les évaluations erronées à propos de ses programmes d’armement décharge les agences de renseignement américaines de leur responsabilité. Elles n’apprendront pas les bonnes leçons si elles ne parviennent pas à expliquer comment leurs stratégies pour découvrir les programmes d’armement irakiens ont créé les structures incitatives défectueuses qui ont finalement conduit l’Irak à cesser de coopérer avec les inspecteurs du désarmement de l’ONU. De même, les récits simplistes qui refusent d’aborder le soutien très réel de Saddam Hussein à des personnes comme Oussama ben Laden laisseront les analystes et les décideurs politiques mal équipés pour gérer les nuances qu’une telle menace exige.

 

Crédits photo : United States Government

Auteurs en code morse

Samuel Helfont

Samuel Helfont est l’auteur de Iraq against the World: Saddam, America, and the Post-Cold War Order (Oxford University Press, 2023) et est professeur adjoint de stratégie et de politique au programme Naval War College de la Naval Postgraduate School de Monterey, en Californie.

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