Cet article est une traduction de « Australia’s new security threat: cocaine trafficking by Brazilian crime groups », publié par le Australian Strategic Policy Institute (ASPI) le 6 février 2025.
L’Australie est confrontée à une nouvelle menace pour sa sécurité nationale, qui émane de groupes criminels brésiliens. Le crime organisé brésilien, qui n’était autrefois qu’une préoccupation nationale, s’est transformé en une puissante narco-insurrection de portée transnationale. Il fait d’ailleurs du pays le deuxième acteur mondial du commerce de la cocaïne, après la Colombie.
Jusqu’à présent, la croissance de la criminalité organisée brésilienne ne constituait pas une menace pour l’Australie. Cependant, comme l’explique en détail le rapport récemment publié par l’ASPI, « The Pacific Cocaine Corridor: A Brazilian Cartel’s Pipeline to Australia », le rôle grandissant du Brésil dans l’approvisionnement mondial en cocaïne et son expansion sur de nouveaux marchés (y compris les nouvelles routes du Pacifique), la sophistication accrue de ses réseaux criminels et l’augmentation de la demande sur le marché lucratif de la cocaïne en Australie renforcent la présence des groupes criminels brésiliens sur nos côtes.
Le Primeiro Comando da Capital et le Comando Vermelho, menaces criminelles transnationales
Les deux principaux groupements de la drogue au Brésil sont le Primeiro Comando da Capital (PCC) et le Comando Vermelho. Le PCC est devenu une menace criminelle transnationale particulièrement sérieuse, qui exploite les faiblesses des systèmes politiques, juridiques et économiques.
Le long littoral brésilien, les nombreuses installations portuaires, les voies navigables intérieures non surveillées et les réseaux aériens bien développés offrent de nombreux canaux de distribution de la cocaïne à l’échelle mondiale. Les 8 000 km de frontières que le Brésil partage avec les pays andins, producteurs de cocaïne, et les 1 365 km avec le Paraguay facilitent encore le trafic de drogue. La triple frontière entre le Brésil, le Paraguay et l’Argentine – à l’instar du triangle d’or asiatique composé de la Thaïlande, du Myanmar et du Laos – sert de plaque tournante de cette logistique illicite.
Historiquement, la cocaïne distribuée en Australie était embarquée en Europe, en Chine, en Afrique du Sud, aux États-Unis ou au Canada, bien que la drogue provienne d’Amérique du Sud. Aujourd’hui, le PCC entretient un réseau de distribution de cocaïne avec des connexions en Océanie, en utilisant des itinéraires le long de la côte pacifique de l’Amérique du Sud. Cela signifie que la cocaïne peut être acheminée plus directement vers l’Australie. Cela peut refléter une plus grande priorité accordée au marché australien et le potentiel d’augmentation des exportations vers l’Australie.
Le Vanuatu, nouveau point de transit potentiel vers l’Australie et l’Océanie
La nouvelle route commerciale entre le Brésil et Vanuatu, qui sert principalement à importer de la viande de poulet, présente un risque croissant de trafic de drogue : ces marchandises nécessitent en effet des conteneurs réfrigérés, qui sont plus difficiles à inspecter de manière approfondie. Le commerce provient principalement du Parana, un État limitrophe du Paraguay et un point d’entrée clé pour la cocaïne introduite au Brésil depuis la Bolivie et le Pérou.
La proximité du Vanuatu avec l’Australie en fait un point de transit potentiel pour les envois de drogues illicites. Les routes commerciales nouvelles ou moins surveillées, comme celle qui passe par le Vanuatu, peuvent être soumises à des contrôles douaniers moins stricts, ce qui accroît le risque de trafic de drogue non détecté. De là, de petits navires ou des yachts peuvent transporter la cocaïne via une autre île du Pacifique ou directement vers l’Australie, en profitant du vaste espace maritime de la région, là encore difficile à surveiller.
Expansion et dissimulation
Les Australiens paient la cocaïne à un prix parmi le plus élevé au monde : un kilogramme, évalué à environ 3 000 dollars en Colombie, peut se vendre 10 000 dollars au Brésil et entre 160 000 et 200 000 dollars en Australie. Le transport de la cocaïne vers l’Australie est certes coûteux, mais l’énorme marge bénéficiaire qu’il procure favorise naturellement l’expansion des opérations du PCC.
La dissimulation de drogues sur les parties immergées des navires est de plus en plus courante. Des plongeurs qualifiés placent et reçoivent des colis dans les ports, souvent la nuit et à l’insu de l’équipage. En 2020, la police fédérale australienne a intercepté une cargaison du PCC à destination de Sydney comprenant une demi-tonne de cocaïne dissimulée dans des sacs de pulpe de banane. En 2022, un plongeur brésilien a été retrouvé sans vie dans le port de Newcastle, à proximité de paquets contenant 54 kg de cocaïne, d’une valeur marchande estimée à environ 20 millions de dollars. Cette affaire a démontré la capacité du PCC à déplacer des personnes d’un continent à l’autre et à fournir un soutien logistique aux acheteurs en Australie.
Comme la plupart des groupes criminels organisés, le PCC prospère en exploitant les lacunes dans la coordination des forces de l’ordre, dans la surveillance financière et dans la sécurité des frontières. Compte tenu de l’ampleur de ses opérations transnationales, il est essentiel d’unifier et de coordonner les efforts déployés pour la combattre.
Lutter contre la criminalité organisée transnationale en Australie
Pour contrer le ciblage du marché australien, notre rapport recommande aux autorités australiennes et régionales d’adopter une approche stratégique globale et de travailler en étroite collaboration avec les partenaires brésiliens et internationaux.
Le renforcement de la coopération policière et de la surveillance financière permettra de détecter et de perturber les activités du PCC. L’échange en temps utile de renseignements, notamment sur les habitudes de voyage et les noms d’emprunt, peut empêcher l’infiltration du PCC en Australie, tandis qu’un examen plus strict des demandes de visa, la détection des faux documents et l’établissement de listes de surveillance limiteront les déplacements des agents du PCC.
En outre, la collaboration en matière de gestion des délinquants (sécurité des prisons, surveillance après la libération et programmes de réinsertion) empêchera le PCC d’étendre ses réseaux au sein des systèmes correctionnels.
En s’attaquant aux principaux facteurs de résilience du groupe et en comblant les lacunes dans l’échange d’informations au niveau international, cette approche permet non seulement d’atténuer la menace immédiate, mais aussi de renforcer les défenses à long terme contre la criminalité organisée transnationale.
Crédits photo : Byron Illyes/ASPI
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