L’Australie, bientôt à sec de sous-marins ? - Le Rubicon

L’Australie, bientôt à sec de sous-marins ?

Le Rubicon en code morse
Avr 04

Abonnez-vous

Cet article est une traduction de « When It Comes to Submarines, Australia Is Going to Be Left High and Dry », publié par War on The Rocks le 11 mars 2025.

Alors que le nouveau président américain ébranlait les capitales alliées du monde entier, un sous-marin de classe Virginia, l’USS Minnesota, a accosté dans un port de l’Ouest de l’Australie : la première de nombreuses escales de routine prévues cette année dans les ports australiens pour les sous-marins américains. C’est événement est apparu comme un signal positif pour l’alliance américano-australienne. Et, malgré l’incertitude quant aux engagements de l’Amérique, les responsables de l’administration Trump ont salué le pacte de sécurité AUKUS.

Des sous-marins américains avec des équipages américains en escale : ce sont bien les seuls types de sous-marins de classe Virginia que les Australiens devraient s’attendre à voir accoster sur leurs rivages dans un avenir proche. En effet, malgré les promesses formulées par le premier et principal pilier du pacte de sécurité AUKUS, les États-Unis n’auront tout simplement pas assez de sous-marins de classe Virginia à prêter. Pour aggraver les choses, le SSN AUKUS, censé être la solution à long terme de l’Australie, risque de connaître des retards et des problèmes importants, comme les précédents programmes de sous-marins britanniques, en raison de difficultés liées à la maturité de la conception, à la capacité de production et à des complexités techniques, ce qui en fait une solution peu fiable pour les besoins de Canberra en matière d’équipement en sous-marins. Face à cette dure réalité, il est temps pour l’Australie de reconsidérer ses options.

Le contexte

Comme s’en souviennent probablement les lecteurs de War on the Rocks, en septembre 2021, l’administration Biden et ses homologues australiens et américains ont annoncé un nouveau « partenariat trilatéral renforcé en matière de sécurité » en 2021, appelé AUKUS [Australie, Royaume-Uni et États-Unis]. Composé de deux piliers – l’un sur les sous-marins et l’autre sur le partage des technologies de pointe –, il visait et vise toujours à la dissuasion dans la zone indopacifique, principalement contre la Chine.

L’élément crucial de ce pacte est la transition des anciens sous-marins australiens de classe Collins vers des sous-marins d’attaque (SNA) à propulsion nucléaire. La partie la plus directement concernée [par ce nouvel accord] fut l’entreprise française Naval Group, qui avait précédemment passé un contrat avec l’Australie pour la livraison d’une flotte de sous-marins à propulsion conventionnelle (une variante du modèle français Suffren à propulsion nucléaire), qui devaient être produits en Australie – un contrat de plusieurs dizaines de milliards de dollars, représentant un investissement industriel français substantiel. Inutile de dire que les liens entre l’Australie et la France, elle-même une puissance importante dans la région indopacifique, ne se sont jamais complètement rétablis, cette dernière percevant naturellement cet accord négocié en secret avec Washington et Londres comme une trahison dramatique. Par ailleurs, l’Australie, qui avait déjà dépensé 2,6 milliards de dollars (australiens) pour le projet, a été contrainte de payer plus de 800 millions de dollars de pénalités à Naval Group pour avoir rompu l’accord.

Selon les derniers plans AUKUS, l’Australie s’est vu promettre par les États-Unis trois SNA de classe Virginia à trois ans d’intervalle, à partir de 2032, pour combler le vide laissé par ses sous-marins vieillissants de classe Collins. Après cela, une nouvelle classe de sous-marins, connue sous le nom de SSN-AUKUS, devrait être en route. Si la conception est britannique,  cette nouvelle gamme intègre cependant la technologie des trois nations AUKUS. Deux autres sous-marins de la classe Virginia pourraient être vendus à l’Australie pour compenser les retards dans l’arrivée des SSN-AUKUS. Pour que tout cela se réalise, l’Australie paie cher, en investissant dans les bases industrielles américaines et britanniques de sous-marins : cela inclut un investissement de 3 milliards de dollars prévu au cours des quatre prochaines années. Il est certain que ce financement vise également à aider l’Australie à mettre en place sa propre base industrielle émergente de sous-marins à Adélaïde, et à permettre aux professionnels australiens de travailler dans les chantiers navals américains. Néanmoins, quatre ans plus tard, il serait prudent que les dirigeants australiens examinent enfin de manière plus critique les conséquences de ce choix sur la capacité de leur pays à projeter sa puissance navale et sous-marine.

Les SNA de classe Virginia ne sont pas au rendez-vous

Les États-Unis sont actuellement confrontés à une pénurie importante de sous-marins nucléaires opérationnels, car les sous-marins vieillissants de la classe Los Angeles sont retirés du service actif plus rapidement que les sous-marins de remplacement de la classe Virginia ne peuvent être mis en service. Il est donc impossible pour Washington de tenir leur promesse de vendre trois à cinq sous-marins de la classe Virginia à Canberra sans dégrader ses propres capacités sous-marines. Des dirigeants américains de premier plan, tels que le sénateur Roger Wicker, aujourd’hui président du Senate Armed Services Committee, semblaient en avoir pris conscience dès 2023. Cependant, les investissements dans la capacité de production maritime et, plus précisément, de sous-marins nucléaires des États-Unis arrivent beaucoup trop tard. Le récent rapport du Government Audit Office met en évidence les lacunes de coordination et d’efficacité par rapport aux importantes sommes investies, y compris par l’Australie.

La pandémie a eu un impact dramatique sur les deux chantiers navals qui construisent des sous-marins de la classe Virginia : General Dynamics Electric Boat et Huntington Ingalls Industries. En outre, de nombreuses petites industries de la chaîne d’approvisionnement ont été gravement touchées, ce qui a entraîné un important arriéré de travail, les sous-marins nucléaires partiellement construits s’accumulant dans les chantiers navals. L’externalisation de la construction de modules vers d’autres chantiers navals américains pourrait servir, mais il est peu probable que cela permette de rattraper le retard ou de combler les lacunes de capacité des deux principaux chantiers navals et de leurs chaînes d’approvisionnement d’ici le début des années 2030. Il existe un retard similaire dans les chantiers navals qui assurent la maintenance des sous-marins en service.

Les États-Unis ont du mal à rattraper le retard et à atteindre un rythme de 2,3 livraisons de bateaux par an, afin de vendre à l’Australie les 3 à 5 sous-marins requis dans le cadre d’AUKUS. La vente est toutefois conditionnelle, car en vertu de la législation AUKUS, le président américain doit certifier au Congrès, 270 jours avant toute vente, que le transfert d’un Virginia ne « «dégradera pas les capacités sous-marines américaines ». Compte tenu du manque actuel de sous-marins nucléaires dans la marine américaine et de la difficile reprise à venir, la vente d’un sous-marin, à jour pour la maintenance et avec au moins 15 ans de vie restante pour le réacteur, est vouée à dégrader les capacités américaines.

La situation dans les deux chantiers de construction de sous-marins américains est alarmante. Entre 2020 et 2024 inclus, 6 sous-marins de la classe Virginia ont été admis au service actif, soit une moyenne de 1,2 par an. La marine américaine n’a demandé un financement que pour un seul Virginia au cours de l’exercice 2025, « en raison des limites du budget de la marine et de l’augmentation du retard de production de la classe Virginia ». Pour aggraver le problème des chantiers navals, les sous-marins de la classe Block V qui viennent d’être commandés sont 30 % plus grands et beaucoup plus complexes, nécessitant 25 % d’heures de travail en plus pour leur construction. Le premier n’a pas encore été livré, mais un retour à des délais de construction plus courts semble improbable. Même si cela est possible, le rythme de production « two-plus » ne comble pas les lacunes liées à la pandémie qui existent actuellement dans le système.

S’adressant à leurs actionnaires en octobre 2024, les directeurs généraux de Huntington Ingalls Industries et de General Dynamics Electric Boat ont imputé le ralentissement de leur rythme de livraison et la réduction de leurs flux de trésorerie à des problèmes de chaîne d’approvisionnement et de main-d’œuvre, et ils n’ont pas présenté de prévisions optimistes d’amélioration rapide. L’augmentation des coûts a également eu un impact sur la rentabilité : Huntington Ingalls Industries a indiqué qu’elle renégocie les contrats pour 17 sous-marins nucléaires des Block IV et Block V. Les problèmes sont anciens et ne seront pas résolus rapidement, malgré les efforts considérables actuellement déployés.

De plus, General Dynamics Electric Boat a réaffecté ses travailleurs les plus expérimentés pour éviter tout retard supplémentaire dans le programme de construction navale prioritaire de la marine américaine, à savoir la construction des sous-marins lanceurs d’engins (SNLE) de la classe Columbia (projet SSBN-X), dont le deuxième a été lancé en 2024.

Dans ce contexte, les constructeurs navals sont invités à augmenter considérablement leur production. L’effort de construction requis pour un sous-marin de classe Columbia équivaut à 2,5 fois celui de la classe Virginia du Block IV. Le Congressional Research Service a noté que le taux de construction en 2028 pour réaliser un sous-marin de classe Columbia et deux des derniers sous-marins de classe Virginia est cinq fois supérieur à celui requis pour construire un Virginia en 2015. Huntington Ingalls Industries construit des sections des sous-marins de classe Columbia, de sorte que la priorité aura un impact sur les deux chantiers.

Quelle sera la situation des sous-marins nucléaires de la marine américaine en 2032 ? Selon mes recherches, la marine américaine dispose actuellement de 49 sous-marins nucléaires, dont 23 sous-marins nucléaires de classe Los Angeles en service. Ces derniers sont généralement retirés du service actif au bout de 36 ans. D’ici 2032, date à laquelle le premier sous-marin de classe Virginia doit être vendu à l’Australie, le plus jeune, l’USS Cheyenne, aura 36 ans. Les deux premiers sous-marins nucléaires de classe Seawolf arriveront également en fin de vie. Le Congressional Research Service a indiqué que jusqu’à 7 d’entre eux sont envisagés pour des programmes de prolongation de la durée de vie. Du moins, de l’avis de ce sous-marinier expérimenté, ils ne peuvent pas être considérés comme des sous-marins de premier rang malgré leurs nombreuses rénovations ou mises à jour. L’âge nous rattrape tous.

La question de savoir si Washington peut vendre à Canberra le premier des 3 ou 5 sous-marins nucléaires de premier rang semble susceptible de coïncider avec l’apogée du nombre de SNA de la marine américaine. En 2032, la marine américaine disposera, dans le meilleur des cas, de 42 SNA si l’on compte les 7 sous-marins vieillissants de la classe Los Angeles. Le besoin est estimé à 66. Dans le meilleur des cas, il s’agit d’un déficit de 36 %, et encore. Dans le pire des cas, il pourrait atteindre 47 %.

Comme l’a fait remarquer le nouveau sous-secrétaire à la Défense, Elbridge Colby, dans son témoignage au Capitole, il pourrait ne pas soutenir l’engagement des États-Unis d’envoyer 3 à 5 sous-marins de classe Virginia si cela devait diminuer les capacités sous-marines américaines. Or, cette diminution est en cours. La Maison-Blanche commence à comprendre la gravité du problème, selon de récents rapports d’information. La décision ne sera pas facile à prendre. Compte tenu de toutes les assurances données et des attentes du public, la pression politique sera forte pour que la vente ait lieu. Si la décision était prise de ne pas vendre de sous-marins nucléaires à l’Australie en raison de l’insuffisance des stocks de la marine américaine, le pays se retrouverait sans capacité de remplacement pour couvrir le retrait des sous-marins de classe Collins.

Le programme SSN-AUKUS est en difficulté

Comme je l’ai indiqué, la livraison réussie d’une nouvelle classe de sous-marins, les SSN-AUKUS, est le véritable pari à long terme d’AUKUS. Compte tenu des problèmes rencontrés par l’entreprise britannique de sous-marins, il semble très probable que le programme SSN-AUKUS, comme le programme Astute, accuse du retard et livre une classe de sous-marins problématique.

Le programme AUKUS optimal prévoit un calendrier ambitieux, avec des livraisons opérationnelles « dès la fin des années 2030 » et la production des sous-marins suivants en Australie « d’ici la fin de cette décennie ». La conception serait arrivée à maturité, mais étant donné l’absence de calendrier publié ou de liste de jalons franchis avec succès, je partage le scepticisme de l’analyste Marcus Hellyer :

« Malgré l’affection des dirigeants d’AUKUS pour le terme “mature”, peu d’éléments suggèrent que le SSN-AUKUS est mature. […] Le SSN-AUKUS n’a probablement pas encore commencé la conception détaillée. De plus, la conception détaillée nécessitera une augmentation importante des ressources de conception par rapport à ce que le programme a connu ces dernières années. Nous sommes encore loin de pouvoir écarter le risque lié au calendrier concernant le début de la construction. »

Pour être achevé, le programme britannique Astute a nécessité une assistance importante pour la conception et la gestion de projet de la part de l’autorité américaine en matière de fabrication de sous-marins, General Dynamics Electric Boat, et de la marine américaine. Des informations officieuses selon lesquelles un soutien similaire à la conception est actuellement recherché pour le SSN-AUKUS renforcent les doutes quant à la maturité de la conception et à la capacité du fabricant britannique, BAE Systems, à la mener à bien de façon compétente et dans les délais.

BAE Systems est déjà fortement engagé dans la construction des quatre SNLE Dreadnought, la plus haute priorité nationale du Royaume-Uni, et dans l’achèvement des deux derniers sous-marins d’attaque Astute. Le projet SSN-AUKUS est en bout de file. Un récent incendie affectant la livraison du dernier sous-marin nucléaire de classe Astute ne peut qu’ajouter à ces malheurs. Ces préoccupations sont renforcées par des questions sur la rapidité et la fonctionnalité du réacteur PWR3 destiné à alimenter à la fois les Dreadnought et les SSN-AUKUS. Le projet de fourniture du cœur du réacteur nucléaire en cours de construction pour alimenter les deux sous-marins a reçu la note rouge « irréalisable » dans le rapport annuel de l’Infrastructure and Projects Authority sur les grands projets 2023-24. Il s’agit de la troisième évaluation annuelle de ce type par l’organisme de surveillance du gouvernement britannique. L’agence définit sa note rouge comme suit :

« La réussite du projet semble impossible. Il existe des problèmes majeurs concernant la définition du projet, le calendrier, le budget, la qualité ou la réalisation des bénéfices, qui, à ce stade, ne semblent pas gérables ou résolubles. Il se peut que le projet doive être redéfini ou que sa viabilité globale soit réévaluée ».

Les problèmes du réacteur PWR3 retarderaient le programme Dreadnought et donc le programme SSN-AUKUS. S’ils s’avèrent systémiques, ils pourraient avoir un impact direct sur la réussite du programme SSN-AUKUS. La résolution des problèmes dans un contexte de ressources financières et humaines limitées privera également le programme SSN-AUKUS de ressources déjà rares. Le réacteur PWR3 n’est pas étranger à la controverse. Il a été conçu comme un indispensable remplacement après que des problèmes de sécurité ont été décelés dans son prédécesseur, le réacteur PWR2. Le réacteur d’essai qui a déclenché l’alerte était un prototype PWR2, installé à terre dans le Nord de l’Écosse. Il a été arrêté en 2015 pour réduire les coûts. Pour réduire encore les coûts, il n’y aura pas de prototype à terre pour le PWR3. Le Royaume-Uni compte plutôt sur la simulation informatique pour identifier les dangers. Ce n’est guère rassurant, car la simulation informatique s’est révélée incapable de détecter les problèmes antérieurs du PWR2. Le PWR3 serait une copie du réacteur américain à succès utilisé dans la classe Virginia et, par conséquent, un prototype n’est pas nécessaire. Si tel est le cas, le Royaume-Uni semble avoir du mal à produire une simple copie, même sans tenir compte des différences de matériaux et de fabrication.

Sachant que la Strategic Defence Review britannique est aux prises avec de sérieux problèmes de financement et que le changement des priorités britanniques en faveur de la défense de l’Europe résulte du désintérêt de l’administration Trump à continuer de financer la défense conventionnelle de l’Europe, je ne suis pas convaincu de leur capacité à tenir leurs promesses, surtout compte tenu de leurs difficultés passées à mettre des sous-marins nucléaires en service.

Que devrait donc faire l’Australie ?

En résumé, l’Australie semble se tenir au bord du précipice. Ses alliés les plus proches ne parviendront probablement pas à respecter leurs engagements à lui fournir des sous-marins et les moyens d’en construire davantage. Par ailleurs, les sous-marins de classe Collins seront en dessous de la masse critique d’ici 2042 et entièrement hors service d’ici 2048. Une solution alternative réside dans le sous-marin français de classe Suffren, qui représente une option plus pratique et plus rentable pour les besoins navals de l’Australie.

La classe Suffren est une conception mature et éprouvée, déjà en service dans la marine française. Cette classe de sous-marins offre une alternative moins risquée que le SSN-AUKUS, qui n’a pas encore fait ses preuves, et constitue une base solide à partir de laquelle l’Australie peut développer et faire évoluer ses capacités sous-marines. La classe Suffren se distingue notamment par des caractéristiques telles que la propulsion électrique et une gouverne de direction arrière en X, qui améliorent la furtivité et la manœuvrabilité. Ces caractéristiques sont particulièrement avantageuses dans les eaux peu profondes et confinées du Nord de l’Australie, où une meilleure manœuvrabilité est cruciale.

De plus, la classe Suffren est optimisée pour la lutte anti-sous-marine et la collecte de renseignements, et peut embarquer jusqu’à 24 torpilles ou missiles. Bien qu’elle ne puisse rivaliser avec les classes Virginia ou SSN-AUKUS en matière de charge d’armement ou d’endurance, la classe Suffren répond aux exigences essentielles de la stratégie de défense de l’Australie à un coût nettement inférieur. Non seulement le sous-marin de classe Suffren est moins cher à construire, mais il nécessite également un équipage plus réduit, ce qui réduit les dépenses opérationnelles à long terme.

L’un des avantages essentiels de la classe Suffren est l’utilisation de combustible à l’uranium faiblement enrichi, qui ne nécessite un rechargement que tous les 10 ans. Cette approche est non seulement conforme aux normes de non-prolifération, mais simplifie également les défis logistiques et sécuritaires associés à la manipulation et au transport d’uranium hautement enrichi. La possibilité d’installer le réacteur au début du processus de construction sans combustible et de le remplir plus tard réduit considérablement la complexité et améliore la sécurité pendant la phase de construction du sous-marin.

Sur le plan financier, un sous-marin de classe Suffren coûte nettement moins cher que ses homologues britanniques et américains. Cette rentabilité s’accompagne d’un cadre budgétaire plus prévisible, car le Suffren aurait un prix ferme et contractuel, évitant les incertitudes des engagements financiers à durée indéterminée impliqués dans les sous-marins Virginia et SSN-AUKUS.

D’un point de vue stratégique, l’adoption de la classe Suffren ne nécessite pas de restructuration du cadre plus large de l’AUKUS. L’Australie peut maintenir ses engagements dans le cadre de l’AUKUS, en se concentrant sur le renforcement de la coopération industrielle, de la formation et des programmes de maintenance avec les États-Unis et le Royaume-Uni, tout en mettant en place un centre de réparation pour les sous-marins alliés.

L’Australie devrait commencer d’urgence les préparatifs de construction du premier lot de sous-marins Suffren en collaboration avec la France, en passant à une construction australienne avec des améliorations locales de la conception. Cette approche garantit non seulement une livraison dans les délais et la pertinence technologique, mais établit également une capacité souveraine de conception et de maintenance des sous-marins. En se tournant vers la classe Suffren, l’Australie se dotera d’une force sous-marine opérationnelle et durable, à la fois abordable et capable de répondre aux exigences stratégiques de la région indopacifique. Ce changement permettrait également aux États-Unis de se sortir facilement d’une situation difficile. Soulager les États-Unis de la charge que représente le respect de leurs engagements en matière de livraison de sous-marins, qui pourrait potentiellement dégrader leurs capacités navales, renforcera l’alliance dans son ensemble. Si ce changement n’est pas opéré, l’Australie se retrouvera en effet dans une situation délicate, sans capacité souveraine viable en matière de sous-marins.

Crédits photo : Lieutenant Corey Todd Jones

Auteurs en code morse

Peter Briggs

Le contre-amiral (2S) Peter Briggs est un sous-marinier australien qui a commandé deux sous-marins de classe Oberon, l’Australian Submarine Squadron, le HMAS Stirling et le Naval Training Command. Il a également occupé le poste de haut responsable de la politique des sous-marins pour les sous-marins de classe Oberon. Il a dirigé l’équipe de capacité des sous-marins, qui a été créée pour résoudre les problèmes liés à la mise en service des sous-marins de classe Collins. Il est l’ancien président du Submarine Institute of Australia.

Comment citer cette publication

Peter Briggs, « L’Australie, bientôt à sec de sous-marins ? », Le Rubicon, 4 avril 2025 [https://lerubicon.org/laustralie-bientot-a-sec-de-sous-marins/].