Bart De Wever, figure centrale du nationalisme flamand, est devenu Premier ministre belge le 3 février 2025 après avoir conduit la Nieuw-Vlaamse Alliantie (Nouvelle alliance flamande, N-VA) à un succès électoral. La N-VA est un parti politique nationaliste flamand situé à droite, créé en 2001 à la suite de l’éclatement du parti nationaliste Volksunie (VU). Considéré comme séparatiste, le positionnement de De Wever a toutefois évolué. Si les statuts de son parti plaident toujours pour une Flandre indépendante au sein de l’Union européenne (UE), De Wever adopte une stratégie gradualiste : il se dit nationaliste civique et conservateur, préférant une transformation incrémentale plutôt que révolutionnaire de l’État belge.
Dès son arrivée au 16, rue de la Loi, le siège du gouvernement belge, dit aussi « le 16 », une question se pose : un séparatiste peut-il être un bon Premier ministre ? Pour y répondre, il faut bien voir que l’accession du leader flamand au poste de Premier ministre symbolise un tournant stratégique tant pour lui-même que pour son parti : Bart De Wever incarne désormais un nationaliste pragmatique, soucieux de gouverner l’ensemble du pays. À cet égard, la transformation de sa qualification dans l’opinion francophone, passant de « diable séparatiste » à « rempart contre l’extrême droite », a été décisive. Pour beaucoup, en effet, c’est grâce au succès électoral de son parti qu’il est possible de maintenir dans l’opposition le Vlaams Belang (VB), parti nationaliste flamand, prônant l’indépendance de la Flandre et classé à l’extrême droite.
En somme, si De Wever reste fidèle à une vision flamande de la Belgique, son habileté politique, sa modération tactique et sa capacité à composer avec l’État fédéral font de lui, paradoxalement, un Premier ministre crédible pour l’ensemble du pays. Selon un sondage publié par Le Soir, De Wever est de loin la personnalité politique la plus populaire en Flandre. Il obtient également des scores appréciables à Bruxelles et en Wallonie, où il talonne les ténors francophones. Mais qu’en est-il de la scène internationale, sur laquelle De Wever a très peu d’expérience à faire valoir ?
En Belgique, le Premier ministre ne s’implique dans la politique étrangère que lorsque cela s’avère nécessaire : soit parce que le niveau de représentation d’une rencontre internationale est celui des chefs d’État et de gouvernement (comme pour les réunions du Conseil européen), soit parce que la sensibilité de la question le contraint à s’engager dans le débat, afin de préserver la cohésion de la coalition gouvernementale. Au quotidien, c’est le ministre des Affaires étrangères qui conduit l’action de la diplomatie belge. Dans le gouvernement De Wever, c’est le centriste francophone Maxime Prévot (Les Engagés) qui hérite de ce portefeuille, tandis que Theo Francken (N-VA) prend la tête du département de la Défense, un portefeuille généralement considéré comme mineur.
Avant les décisions de réinvestissement du gouvernement De Wever, le budget de la défense représentait 1,3 % du produit intérieur brut (PIB) du pays : des décisions d’investissement moins importantes sur le plan budgétaire avaient certes aussi été prises durant la législature précédente, comme le plan STAR porté par la ministre de la Défense Ludivine Dedonder (Parti socialiste, PS), qui prévoyait de porter l’effort de défense à 1,54 % du PIB à l’horizon 2030. Le contexte géopolitique a replacé ce budget et la défense au centre de l’équation de la politique étrangère belge.
Les débuts chahutés de la diplomatie De Wever
À peine installé, le 3 février 2025, le tout nouveau gouvernement belge est confronté aux décisions disruptives de la nouvelle administration Trump (escalade des tarifs douaniers, suspension de l’aide militaire à l’Ukraine, conditionnement de l’engagement à défendre les membres européens de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord à une augmentation de leurs dépenses militaires, attaques contre la liberté académique, etc.), entrée en fonction deux semaines plus tôt. Le trio De Wever, Prévot, Francken se trouve ainsi plongé dans la tourmente de transformations géopolitiques majeures alors même qu’ils n’ont pas encore eu le temps de s’installer dans leurs fonctions ni même de désigner l’ensemble des membres de leur cabinet. Dans ces conditions, le tempérament impulsif du ministre de la Défense prend toute sa dimension. Omniprésent dans les médias, il s’exprime de façon très assertive sur l’Ukraine :
« Le jour où un accord de paix sera signé par la Russie et où le pays reconnaîtra l’arrivée d’une force internationale pour garantir la sécurité, la participation de la Belgique ne me semble pas problématique. Nous avons fait de même au Kosovo. Nous avons déjà des troupes en Roumanie (dans le cadre d’un groupement tactique multinational chargé de protéger le flanc oriental de l’OTAN). Nous pourrions ensuite les déplacer de quelques centaines de kilomètres. […] Je vais essayer d’en convaincre tout le monde au sein du gouvernement, mais cela me semble logique si nous voulons continuer à soutenir l’Ukraine. »
Dans le même entretien, Theo Francken indique qu’en raison du possible désengagement américain en Europe, il veut aller plus loin que l’accord de coalition, qui prévoit d’augmenter le budget de la défense de 1,3 % à 2 % du PIB d’ici 2029.
L’électrochoc diplomatique provoqué par le discours prononcé le 14 février par le vice-président américain James D. Vance à la Conférence de Munich conduit le Premier ministre à s’impliquer dans la valse diplomatique qui anime les chancelleries européennes dans les semaines qui suivent. Le 27 mars, Bart De Wever participe ainsi au sommet des dirigeants européens sur la guerre en Ukraine à l’invitation du président français, Emmanuel Macron, entérinant ainsi sans sourciller le leadership de la France dans le sursaut européen qui prend forme au cours de ces journées décisives.
Bart De Wever n’a pas fini de surprendre. Une semaine plus tard, il réagit avec une vivacité inattendue aux pressions exercées par les États-Unis pour mettre fin aux politiques de diversité dans les entreprises qui contractent avec le gouvernement américain. « La N-VA est-elle devenue woke ? », s’interroge, non sans ironie, Bertrand Henne, le chroniqueur politique de la matinale de la Radiotélévision belge francophone (RTBF, de service public). Par ailleurs, Woke est aussi le titre d’un ouvrage de Bart De Wever publié en 2023 aux éditions Kennes. Certes, la N-VA a régulièrement critiqué certaines politiques antidiscrimination fondées, selon elle, sur une culture victimaire. Des politiques qu’elle juge culpabilisantes en ce sens qu’elles considèreraient qu’une majorité de Flamands bénéficieraient de privilèges injustes par rapport à certaines minorités. Au surplus, c’est bien à la N-VA que l’on doit les dispositions de l’accord de gouvernement qui prévoient une diminution de 25 % de la dotation du Centre interfédéral pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme et les discriminations (UNIA). Aucun doute n’est donc possible : ni la N-VA ni Bart De Wever lui-même n’ont renié leurs convictions sur ces questions. Cependant, en sa qualité de Premier ministre, De Wever démontre son pragmatisme et son sens politique en dénonçant les outrances de Donald Trump et de son gouvernement. Il a ainsi beau jeu de se faire parangon de modération, renvoyant habilement dos à dos les approches radicales qui s’opposent sur ces sujets sensibles.
Une nouvelle approche de la politique africaine ?
On le voit, cette première séquence diplomatique du gouvernement De Wever ne fait pas la part belle au ministre des Affaires étrangères. Pourtant la rupture des relations diplomatiques intervenue le 17 mars 2025 à l’initiative de Kigali, au prétexte que la Belgique aurait été la principale instigatrice des sanctions européennes contre le Rwanda, était tout sauf anodine. Elle aurait pu être l’occasion de poser les bases de la vision de la diplomatie de Maxime Prévot. Mais cette crise intervient trop tôt et le ministre fraîchement nommé n’est pas prêt. Il a fallu attendre le 2 mai pour observer une première véritable prise d’espace médiatique par le nouveau chef de la diplomatie belge. Dans une interview exclusive au quotidien La Libre, le centriste dresse le bilan de sa première mission diplomatique en solo dans la région des Grands Lacs (Ouganda, Burundi, République démocratique du Congo). Conscient du contexte tendu à l’est de la République démocratique du Congo (RDC), il souligne l’importance d’un engagement diplomatique belge soutenant les processus de médiation régionaux sans s’y substituer. S’il rejette l’idée d’une nouvelle médiation belge, il insiste sur la légitimité et l’expertise historique de la Belgique dans cette région, que même les grandes puissances reconnaissent.
Le ministre des Affaires étrangères défend une diplomatie active, assumant la recherche d’un impact réel, à la fois sur la base de principes et d’intérêts, notamment économiques. Le centriste appelle à dépasser une diplomatie « tiède » en assumant les tensions que peuvent susciter des positions fermes, tout en prônant une approche collaborative gagnant-gagnant avec les partenaires locaux. Maxime Prévot appelle ainsi à rompre avec l’approche paternaliste de la coopération au développement. Le Namurois milite pour un changement de vocabulaire – vers la notion de « coopération internationale » – et d’attitude, valorisant la co-construction plutôt que l’imposition. Le vice-Premier ministre plaide également pour des partenariats fondés sur le respect mutuel, à l’instar de l’approche chinoise, et affirme que l’Occident doit renoncer à toute condescendance dans ses relations extérieures. Reconnaissant ainsi la nécessité d’une conditionnalité repensée dans l’aide belge, le ministre souhaite qu’elle demeure fondée sur les droits humains, tout en étant adaptée aux réalités internationales. Enfin, il décline les priorités de son mandat, qui s’articulent autour de la consolidation d’une diplomatie multiforme au service de la sécurité et du développement, ainsi que d’un engagement personnel contre les violences sexuelles, pour les droits LGBTQIA+ et l’accès à la santé, notamment face aux défis climatiques.
Lors de sa visite à Kinshasa, Maxime Prévot a rencontré la Première ministre Judith Suminwa Tuluka et le président Félix Tshisekedi. Il n’a pas manqué de condamner les violences dans l’est de la RDC, accusant le Rwanda de soutenir le M23. La Belgique, fidèle au respect de la souveraineté, soutient donc les sanctions contre des acteurs rwandais. Prévot a reconnu que, en raison de la rupture du dialogue avec Kigali, la Belgique ne peut plus jouer un rôle de médiateur, mais promet de maintenir le conflit congolais à l’agenda international. Force est cependant de constater qu’en dépit des efforts belges, la RDC privilégie aujourd’hui la médiation américaine et qatarie, doublant Bruxelles sur la scène diplomatique régionale.
La question palestinienne
De tous les dossiers de politique internationale, c’est de loin le conflit israélo-palestinien qui devrait faire le plus tanguer le navire gouvernemental commandé par Bart De Wever. Sur ce sujet, le malaise au sein du gouvernement devient saillant à l’occasion d’une interview donnée à la chaîne VRT le 3 avril 2025 dans laquelle De Wever affirme que la Belgique n’arrêtera probablement pas Benyamin Netanyahou, en dépit du mandat de la Cour pénale internationale (CPI) dont il fait l’objet, s’il pose le pied sur le territoire belge. Cette déclaration, invoquant la Realpolitik, a provoqué un malaise au sein de la coalition gouvernementale Arizona (surnom donné par la presse en référence aux couleurs du drapeau de l’État américain correspondant plus ou moins à celles des partis de la coalition), en contradiction avec la position officielle du ministre des Affaires étrangères, Maxime Prévot qui, pour sa part, dès le 26 février, avait réaffirmé l’engagement belge envers le droit international devant le Parlement. Plusieurs partis de la majorité, notamment Les Engagés et le CD&V (parti social-chrétien flamand), ont discrètement exprimé leur désaccord, rappelant que l’exécutif ne peut interférer avec les décisions judiciaires. L’incident illustre les tensions idéologiques internes à la coalition.
Le conflit israélo-palestinien crée de fait un malaise au sein de la coalition Arizona. Le 30 avril, en commission des relations extérieures, les partis de la majorité ont déserté le débat sur la reconnaissance de la Palestine, empêchant toute discussion faute de quorum. Les divergences persistent, notamment sur le mandat d’arrêt contre Benyamin Netanyahou et l’initiative française visant à la reconnaissance de l’État palestinien. La N-VA et le Mouvement réformateur (MR, parti francophone de centre-droit) restent opposés à une telle reconnaissance, contrairement au CD&V et Vooruit (parti socialiste flamand). De son côté, l’opposition dénonce une politique de la chaise vide et un manque de courage face à une situation dramatique. Le même jour, dans une interview au quotidien Le Soir, Conner Rousseau, président de Vooruit, qualifie pour la première fois les événements à Gaza de « génocide », rejoignant Sammy Mahdi, président du CD&V, dans l’appel à une reconnaissance de l’État palestinien par la Belgique. Cette position accentue les tensions internes à la coalition Arizona, opposant, d’une part, le MR et la N-VA, plus prudents, et, d’autre part, les partis sociaux-chrétiens (Les Engagés et CD&V) et les socialistes flamands. L’absence de la majorité en commission parlementaire souligne ce malaise. Le gouvernement belge, bien que favorable à une solution à deux États, peine à adopter une position claire.
Afin de préserver la cohésion de sa coalition gouvernementale, Bart De Wever sera conduit à modifier son positionnement sur la question. Alors qu’il exprimait auparavant un soutien clair à Israël – allant jusqu’à se ranger « du côté de la lumière » après les attaques du 7 octobre 2023 –, il reconnaît désormais l’horreur des images en provenance de Gaza, qualifiant la situation de « dramatique » et les scènes d’« épouvantables ». Ce glissement vers une position plus nuancée s’inscrit dans un contexte de pressions internes à la coalition Arizona, où Vooruit et le CD&V plaident pour une reconnaissance rapide de l’État palestinien. De Wever et la N-VA soutiennent désormais prudemment l’initiative d’Emmanuel Macron pour une solution à deux États, sous conditions strictes (démantèlement du Hamas et libération des otages). Cette évolution marque un assouplissement de la ligne nationaliste dans un exercice d’équilibre diplomatique et politique.
Le 13 mai, après d’intenses négociations, les cinq partis de la coalition Arizona parviennent enfin à un accord sur une résolution concernant la situation à Gaza. Le texte de compromis acte une position commune en amont de la conférence onusienne prévue pour juin, finalement reportée à septembre, à New York, et coprésidée par la France et l’Arabie saoudite. La Belgique y participera activement et soutiendra un règlement politique fondé sur la coexistence de deux États, avec reconnaissance mutuelle d’Israël et de la Palestine, sous strictes conditions : démantèlement du Hamas, libération des otages, émergence d’un interlocuteur palestinien démocratique et définition claire des frontières. Le texte évite les termes de « génocide » et reste prudent sur d’éventuelles sanctions contre Israël, misant sur une approche européenne coordonnée. La résolution n’envisage pas non plus une reconnaissance unilatérale par la Belgique si l’initiative onusienne échoue. Le compromis penche vers la position N-VA/MR, mais est salué comme une avancée par Vooruit et le CD&V. Chacun des partis y voit une victoire partielle : pour les uns, un texte équilibré ; pour les autres, dont Les Engagés, un point de départ vers plus d’ambition diplomatique. Tous s’accordent à dire que le texte marque une étape importante dans la réponse belge à la crise humanitaire à Gaza et à la relance d’un processus de paix.
À peine ce dossier épineux résolu, le Premier ministre ne tarde pas à s’engager aux côtés d’autres leaders européens sur une question essentielle pour son parti, à savoir la gestion des flux migratoires, non sans susciter une importante controverse.
Controverse autour de la Cour européenne des droits de l’homme
Ce nouveau dossier sensible a donné l’occasion à Bart De Wever de démontrer son sens politique et son habilité diplomatique. Rendue publique le 22 mai 2025, la lettre ouverte, à l’initiative de la présidente du Conseil italien Giorgia Meloni, rejointe ensuite par la Première ministre danoise Mette Frederiksen (toutes deux connues pour leurs positions très strictes sur la question migratoire), vise à redéfinir l’interprétation de la Convention européenne des droits de l’homme, notamment en matière migratoire. À ce jour, cette lettre ouverte a également été approuvée par les chefs de gouvernement d’Autriche, d’Estonie, de Lettonie, de Pologne, de République tchèque, ainsi que par le président lituanien, la majorité étant issue de formations de droite voire de l’extrême droite, à l’instar de Giorgia Meloni. Tous expriment une même inquiétude face à l’immigration illégale : « Nous croyons nécessaire de nous pencher sur la manière dont la Cour européenne des droits de l’homme [CEDH] a établi son interprétation de la Convention européenne des droits de l’homme [Conv. EDH]. »
Le contenu de la lettre ne manque pas de générer une controverse d’ampleur tant sur la scène politique intérieure qu’au niveau européen, le secrétaire général du Conseil de l’Europe dénonçant notamment une tentative de politisation de la CEDH. La controverse touche également la Belgique, où le gouvernement Arizona a d’ores et déjà pris position : l’accord de coalition prévoit une nette hausse du nombre de reconduites à la frontière. À l’image de son prédécesseur, le gouvernement conduit par Bart De Wever entend ainsi doubler la capacité des centres fermés pour permettre l’expulsion de migrants reconnus coupables de crimes. Le texte de l’accord mentionne de manière floue certains « pays européens » comme destinations possibles pour ces expulsés, tout en précisant que l’exécution des peines de prison à l’étranger devra respecter les normes du droit international (« de manière décente et humaine »).
Face aux réactions indignées d’associations de défense des droits humains et d’experts juridiques, Maxime Prévot, vice-Premier ministre, prend la défense de Bart De Wever : « La lettre du Premier ministre et de huit autres dirigeants européens mettant en cause la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme en politique migratoire n’est pas une attaque contre l’État de droit », déclare-t-il. Il affirme que ce courrier a bien été discuté avec tous les partenaires de la coalition, à l’initiative du Premier ministre. Selon lui, cette lettre vise les migrants en situation irrégulière ayant commis des infractions, « donc un groupe limité de personne au pedigree peu enviable ». Il estime dès lors qu’il ne faut « pas donner à ce message plus de portée qu’il n’en a ni sombrer dans la caricature ». Il s’agirait simplement, à ses yeux, de définir une nouvelle voie européenne – éventuellement accompagnée de réformes – permettant aux États de mieux gérer l’expulsion de ces criminels, tout en respectant la séparation des pouvoirs.
Cette prise de position, a priori risquée sur un sujet controversé, permet à Bart De Wever de flatter une partie de l’électorat flamand, particulièrement sensible aux questions migratoires, dans un contexte de vive concurrence électorale entre la N-VA et le VB. En s’alignant sur une initiative symbolique portée par des figures de la droite dure européenne, il renforce son image de fermeté sans engager de rupture institutionnelle immédiate. Parallèlement, en confiant à son ministre des Affaires étrangères le soin d’en atténuer la portée et de la replacer dans le cadre du droit international, il cherche à rassurer les partenaires de coalition et à éviter une polarisation excessive, transformant ainsi un geste clivant en signal politique à double détente. Fin tacticien politique, De Wever sait aussi toute l’importance de la communication.
Parcimonie médiatique et pragmatisme
Bart De Wever, Premier ministre belge, adopte une communication rare et très maîtrisée, en contraste marqué avec ses prédécesseurs. Il privilégie les interviews télévisées courtes et évite la presse écrite et les conférences de presse, même après des décisions majeures. Ce choix stratégique serait, selon certains commentateurs, inspiré de figures comme Jean-Luc Dehaene (Premier ministre belge de 1992 à 1999) ou Winston Churchill, vise à renforcer l’impact de ses rares apparitions. Toutefois, cette discrétion rend chaque intervention plus scrutée, amplifiant l’impact de ses maladresses, notamment sur Gaza ou Benyamin Netanyahou. Sur les réseaux sociaux, il soigne une image de citoyen flamand ordinaire.
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En définitive, dans sa fonction de Premier ministre, Bart De Wever incarne une nouvelle forme de nationalisme flamand compatible avec les exigences de l’action gouvernementale et diplomatique. Son habileté politique, sa modération tactique, son pragmatisme et sa capacité à composer avec l’État fédéral font de lui, paradoxalement, un Premier ministre crédible pour l’ensemble du pays et sur la scène internationale. Il semble en effet avoir rapidement intégré les fondamentaux de la diplomatie belge de même que les contraintes géopolitiques du moment. En effet, malgré un contexte international marqué par l’illibéralisme et les replis souverainistes, la Belgique reste fondamentalement dépendante du multilatéralisme, du libre-échange et de ses alliances militaires. En raison de sa petite taille et de sa vulnérabilité économique, elle ne peut se permettre une stratégie étrangère isolée. La politique étrangère belge ne peut donc se limiter à quelques thématiques ou régions, mais elle se doit de défendre activement le bon fonctionnement du système international. Bart De Wever Premier ministre semble en avoir pris la mesure à en juger par la politique étrangère menée au cours des six premiers mois de son mandat.
Crédit photo : stormwatch153
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