Des boycotts aux selfies : les multiples perceptions du Japon en Asie

Le Rubicon en code morse
Fév 14

Abonnez-vous

Cet article est une traduction de l’article « From boycotts to selfies : Asia’s myriad perceptions of Japan », publié sur War on the Rocks le 14 décembre 2023.

 

En tant qu’instructeur sur la sécurité dans la région indopacifique, la question la plus fréquente que me posent les étudiants, qu’ils soient en licence ou officiers supérieurs, est la suivante : pourquoi certains pays d’Asie éprouvent-ils encore un profond ressentiment à l’égard du Japon, alors que d’autres affichent une chaleureuse affection pour Tokyo ?

Le nationalisme, la politique et la mémoire historique font que les généralisations sur la perception du Japon par les « asiatiques » n’ont pas de sens. En Corée du Sud, des campagnes vigoureuses menées par des jeunes pour boycotter les produits japonais soulignent cet héritage durable d’animosité et de méfiance. À Taïwan, l’ancienne présidente Tsai Ing-wen a notamment fait l’objet de réactions mitigées pour avoir tweeté en japonais lors de sa campagne de réélection en 2020, mais on lui reconnaît le mérite d’avoir obtenu le soutien des progressistes « pro-Japon » de l’île en agissant de la sorte. En Thaïlande et aux Philippines, j’ai vu de jeunes étudiants prendre des selfies avec le drapeau japonais du « soleil levant », tout en dégustant une glace au matcha ou en mangeant des sushis.

Cette dynamique n’intéresse pas seulement les spécialistes des politiques étrangères asiatiques : les perceptions à l’égard du Japon ont un impact direct sur la sécurité régionale. Alors que les États-Unis se font les champions des capacités de défense croissantes du Japon dans le cadre de leur stratégie indopacifique, Washington doit bien comprendre la diversité des opinions régionales à l’égard de Tokyo. Le renforcement du dispositif de sécurité de cette dernière a été accueilli avec un profond scepticisme par Séoul, ce qui a compliqué la coopération sécuritaire dans des zones cruciales telles que les mers de Chine orientale et méridionale. Cette tension dans les relations contraste avec Taïwan et l’Asie du Sud-Est, qui accueillent tous deux la nouvelle présence sécuritaire du Japon avec moins de réserves. En effet, même les pays d’Asie du Sud-Est qui défendent leurs liens économiques et politiques étroits avec la Chine, comme le Cambodge, ne communiquent pas beaucoup de scepticisme à l’égard d’une présence japonaise accrue en matière de sécurité dans leur région. L’étude de ces points de vue divergents et relativement paradoxaux sur les politiques de sécurité du Japon aujourd’hui – ainsi que de l’histoire qui les sous-tend – peut aider Washington à élaborer des politiques sécuritaires plus nuancées et plus efficaces pour l’Indopacifique.

 

Mémoire historique

Pour comprendre les points de vue nuancés sur le Japon en Asie, il est essentiel de se plonger dans certains des désaccords complexes de la région ayant trait à la « mémoire historique ». En effet, aux États-Unis, la plupart des perceptions de l’histoire du Japon en Asie sont façonnées par les actions japonaises en Asie du Nord-Est, principalement dans la péninsule coréenne, en Mandchourie et en Chine. Depuis l’annexion de l’île de Taïwan (alors Formose) en 1895 jusqu’à la fin de la guerre en Asie en 1945, l’Empire du Japon a laissé un héritage de domination impérialiste, de cruauté et d’atrocités sanglantes. Les pratiques brutales du Japon comprenaient le travail forcé, la mise en place du système d’esclavage sexuel des « femmes de réconfort », la suppression des langues et des cultures locales et quelques expériences médicales effroyables menées par l’unité 731 sur des sujets coréens et chinois. Ces événements jouent encore aujourd’hui un rôle émotionnel, très actif dans la politique coréenne et chinoise, notamment parce que les institutions politiques, éducatives et sociales japonaises semblent chercher à nier ou à minimiser ces événements.

Un aspect souvent ignoré de cette histoire est le rôle abject de l’Occident. Des puissances comme les États-Unis et le Royaume-Uni ont pour la plupart toléré l’expansion du Japon en Corée, n’entamant que tardivement une campagne de pression politique et économique contre le Japon à la suite de son invasion de la République de Chine. La tolérance occidentale, illustrée par le mémorandum Taft-Katsura de 1905, qui visait essentiellement le contrôle du Japon sur la Corée en échange de la non-ingérence dans la domination américaine aux Philippines, alimente encore le ressentiment de Séoul. En outre, les politiques américaines d’après-guerre à l’égard de la région, qui consistaient notamment à promouvoir la réhabilitation du Japon en tant que société nouvellement démocratique et libre, ont encore suscité un scepticisme particulier en Corée du Sud.

L’histoire de Taïwan avec le Japon, depuis son annexion à la suite de la guerre sino-japonaise de 1895, en fait l’ancien territoire dont la mémoire de l’occupation est la plus longue. Le Japon a soumis les peuples de Taïwan d’une manière similaire, quoique peut-être moins brutale, à celle observée en Corée et en Chine. Néanmoins, les circonstances ont changé après la défaite du Japon en 1945. Après une brève période de paix et de stabilité relatives, Taïwan s’est retrouvé en 1949 aux côtés des forces nationalistes vaincues de la guerre civile chinoise et sous le régime autoritaire direct du Kuomintang dirigé par Chiang Kai-Shek. Ce régime a été marqué par la « Terreur blanche », une période de répression brutale des forces perçues comme communistes ou déloyales sur l’île. Les échos de cette période se font encore sentir dans la politique taïwanaise aujourd’hui et, dans la plupart des cas, représentent une cicatrice plus puissante et plus émotionnelle de la mémoire historique que celles laissées par le Japon.

Ainsi, en Asie du Sud-Est, l’expérience de l’occupation japonaise au cours des années 1940 a souvent été aussi brutale qu’en Corée et en Chine, mais plus brève. Le Japon impérial a gouverné des territoires comme les Philippines et Singapour à travers le prisme de durs griefs ethniques, toute opposition à la domination japonaise étant perçue comme une trahison raciale de la vision « panasiatique » de Tokyo.

Toutefois, le rôle joué par le Japon dans l’éviction des puissances coloniales occidentales a suscité des réactions mitigées dans l’ensemble de la région, certains dirigeants de pays comme la Thaïlande et l’Indonésie ayant considéré le Japon comme un libérateur, peut-être malvenu mais commode, de l’hégémonie européenne. Après la guerre, lorsque l’influence du Japon dans la région est passée de l’occupation militaire à l’engagement économique, l’image de Tokyo s’est en fait dégradée en raison de la perception d’un néocolonialisme commercial. En effet, certaines des plus grandes manifestations antijaponaises de l’histoire de l’Asie, telles que les émeutes antijaponaises « Malari » de 1974 en Indonésie, étaient davantage motivées par des frustrations liées aux politiques économiques du Japon d’après-guerre que par un quelconque comportement en temps de guerre. Cependant, après une période de réformes économiques et les changements de politique étrangère de 1977, en particulier la « doctrine Fukuda » d’ouverture à l’Asie du Sud-Est, l’opinion sur le Japon s’est améliorée de manière spectaculaire dans la région.

 

Le rôle croissant du Japon en matière de sécurité régionale

Si ces perceptions influencent depuis longtemps les politiques étrangères en Asie, leur pertinence pour la sécurité régionale est particulièrement avérée aujourd’hui. Le Japon, jadis attaché à une politique étrangère qui excluait la sécurité « dure » comme outil de pouvoir national, a régulièrement réaffirmé sa présence en Asie au cours des dernières années. Motivé par un environnement stratégique de plus en plus instable, le Japon est redevenu un acteur central dans l’évolution de la sécurité régionale.

En effet, les responsables et experts de la sécurité à Tokyo parlent du Japon comme un État « en première ligne », encerclé à la fois par les revendications territoriales agressives de la Chine sur ses terres, par une Russie nouvellement revancharde au nord et par les fréquents essais de missiles provocateurs de la Corée du Nord. En tant que pays insulaire, dépendant des importations pour la plupart de ses besoins en matières premières et en énergie, les documents relatifs à la sécurité nationale du Japon affirment aujourd’hui publiquement ce qui a longtemps été considéré comme allant de soi en privé : le pays doit maintenir un accès sécurisé aux voies maritimes afin de protéger ses approvisionnements en ressources essentielles. Cela a donné lieu à une série d’initiatives ambitieuses de la part de Tokyo en matière de sécurité, principalement par le biais d’un renforcement sans précédent des capacités de combat des Forces japonaises d’autodéfense (JSDF) et d’un réseau accru de missions d’entraînements, de soutien et de développement capacitaire en Asie du Sud-Est.

De nombreux pays de la région partagent l’inquiétude du Japon face à la montée en puissance de la Chine et adhérent à l’alignement stratégique du Japon sur les États-Unis. Cependant, leurs réponses aux nouvelles politiques de sécurité de Tokyo varient en fonction de leur mémoire historique et de leur politique intérieure. En tant que telles, elles méritent d’être examinées plus en détails.

 

Corée du Sud : des questions historiques non résolues et des motivations politiques internes

Dans le cas de la Corée du Sud, le scepticisme à l’égard du Japon reste avant tout lié à la mémoire historique et à la perception que le Japon n’a pas correctement expié ses actions passées. Toutefois, l’existence de ces griefs crée également une incitation politique interne à « dénigrer le Japon » en Corée du Sud. Ce phénomène a bien été documenté par des chercheurs tels que Gi-Wook Shin et Daniel Sneider, qui affirment que la manipulation des récits historiques est souvent utilisée comme un outil par les élites politiques pour consolider le soutien interne, définir l’identité nationale et rallier l’opinion publique populiste. Ces tactiques sont généralement associées à la gauche politique coréenne, qui donne la priorité au rapprochement avec la Corée du Nord plutôt qu’à la mise en place d’une coalition de sécurité avec les pays voisins visant à dissuader Pyongyang.

Ainsi, sous l’actuel président conservateur Yoon Suk-yeol, les relations entre le Japon et la Corée du Sud font généralement l’objet de gros titres positifs, motivés par l’ouverture de Séoul à Tokyo sur des priorités communes en matière de sécurité. Ces gros titres ont été accompagnés d’une série d’avancées positives, aujourd’hui consacrées par des accords politiques. Il convient toutefois de rappeler que les relations entre Séoul et Tokyo fluctuent généralement entre des hauts et des bas, et que l’absence d’un accord durable sur les questions de mémoire comme les femmes de réconfort et le travail forcé implique que, tôt ou tard, les relations reviendront à leur point le plus bas.

Dans ce contexte, le rôle historique de l’Occident, qui soutient aujourd’hui largement une présence japonaise accrue en matière de sécurité dans la région indopacifique, pourrait également s’avérer protéiforme. Le soutien des capitales européennes et nord-américaines à l’expansion du rôle du Japon en tant que pourvoyeur de sécurité en Asie pourrait apaiser certaines inquiétudes à Séoul. Pour autant, il pourrait faire ressurgir les échos de l’ambivalence historique de l’Occident à l’égard de l’assujettissement de la Corée par d’autres pays.

 

Taïwan : des points de vue variables pour une identité mouvante

Pourtant, Taïwan, qui a également subi des décennies d’occupation, n’a pas les motivations politiques internes de la Corée du Sud à critiquer le Japon. La politique taïwanaise représentant de plus en plus une identité politique indépendante (c’est-à-dire non chinoise), les opinions sur le Japon se dissocient de celles du continent et de Séoul. Ce processus de formation identitaire a conduit à une réévaluation des récits historiques, y compris ceux concernant l’occupation japonaise. En effet, le dénigrement du Japon est perçu à Taïwan comme un point de vue particulièrement continental, et non comme un point de vue autochtone ou « taïwanais ». Les Taïwanais de souche, c’est-à-dire ceux qui vivaient à Taïwan avant le repli des forces nationalistes chinoises sur l’île en 1949, ont même intégré des aspects de la culture japonaise dans leur identité, comme en témoigne l’utilisation de la langue japonaise par les manifestants pour délimiter l’identité chinoise par rapport à l’identité taïwanaise lors des manifestations antinationalistes du « 228 » en 1947. Comme le décrit l’anthropologue taïwanais Huang Chih-Huei, l’expérience du régime nationaliste a conduit de nombreux Taïwanais de souche à penser que « les premiers colonisateurs s’avéraient être les meilleurs », ce qui les a amenés à embrasser les aspects japonais de leur identité.

Ces attitudes mitigées à l’égard du Japon s’étendent à la génération actuelle. Une enquête réalisée en 2022 a révélé qu’une grande majorité des jeunes avait une opinion favorable du Japon et que la plupart considéraient le Japon comme leur pays « favori ». Des chercheurs comme Huang-Chih Chiang et Yeh-Chung Lu ont noté que la jeune génération taïwanaise a tendance à associer le Japon à des aspects positifs tels que la technologie de pointe, la richesse culturelle et même les valeurs démocratiques, plutôt qu’au passé colonial. Ce changement se reflète également dans la politique étrangère de l’île à l’égard du Japon et dans les liens économiques bilatéraux, qui sont de plus en plus influencés par les efforts actuels de Taïwan pour se forger une identité distincte de celle de la Chine. Ainsi, le penchant de la jeune génération pour une identité taïwanaise, par opposition à une identité chinoise, a involontairement facilité une réévaluation plus positive de l’influence historique du Japon sur l’île.

Il est certain que le pragmatisme sous-tend également l’opinion favorable de Taïwan à l’égard du Japon, en particulier dans le domaine de la défense. Un sondage réalisé en 2021 par la Taiwanese Public Opinion Foundation a révélé que plus de 70 % des Taïwanais apprécieraient le soutien du Japon en cas de conflit militaire avec la Chine. Cette statistique met en évidence la dimension stratégique de la perception positive de Taïwan à l’égard du Japon, reconnaissant le rôle potentiel de ce dernier en tant qu’allié essentiel pour assurer la sécurité de l’île.

 

Asie du Sud-Est : pragmatisme et intérêt économique

Des facteurs géopolitiques et historiques uniques en Asie du Sud-Est ont conduit à une attitude plus positive à l’égard du Japon que dans la majeure partie de l’Asie du Nord-Est. Même cette affirmation risque surement de tomber dans le domaine de la généralisation. Toutefois, des sondages fiables, tels que celui mené par l’Institut ISEAS-Yusof Ishak auprès des élites de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est, montrent qu’une majorité substantielle de dirigeants de l’Asie du Sud-Est voient le Japon d’un œil favorable, environ deux tiers d’entre eux exprimant régulièrement leur confiance dans le rôle du Japon en matière de sécurité régionale et de promotion de la stabilité. Cette perception positive est profondément ancrée dans les liens économiques et les partenariats stratégiques qui ont évolué de manière significative depuis le milieu du 20e siècle.

La doctrine Fukuda, mentionnée précédemment, a marqué un tournant symbolique dans l’approche du Japon vis-à-vis de l’Asie du Sud-Est et a contribué à surmonter les perceptions régionales de néocolonialisme économique. Motivée par la détérioration des relations régionales et l’inquiétude suscitée par la reconnaissance de la République populaire de Chine (RPC) par Washington, la nouvelle doctrine japonaise mettait l’accent sur des relations « de cœur à cœur », notamment sur la compréhension mutuelle, la confiance et un partenariat économique égalitaire. Cette politique a ouvert la voie à des relations économiques mutuellement bénéfiques entre le Japon et ses voisins, en suscitant une augmentation spectaculaire des investissements japonais à la suite des accords du Plaza de 1985 et du soutien financier substantiel de Tokyo aux pays touchés par la crise financière asiatique de 1997. En conséquence, la vision de la présence économique du Japon a évolué pour se concentrer moins sur l’extraction néocoloniale et davantage sur la valeur ajoutée, ce qui a permis de rétablir la confiance entre les élites et les citoyens de l’Asie du Sud-Est. Cette confiance a été essentielle pour surmonter le scepticisme profondément ancré qui découlait non seulement des comportements en temps de guerre mais, peut-être plus encore, des pratiques économiques prédatrices de l’après-guerre.

Ainsi, dans le domaine de la sécurité, la position de l’Asie du Sud-Est à l’égard du Japon a été pragmatique, mais largement positive. Au cours mes enquêtes de terrain dans la région, des responsables de la sécurité thaïlandais, philippins, vietnamiens et indonésiens m’ont dit qu’il existait une croyance régionale dominante selon laquelle le contexte historique de la Seconde Guerre mondiale avait perdu de sa pertinence à l’ère moderne. L’accent mis par le Japon sur l’aide au développement, les partenariats économiques et le respect de la souveraineté des nations d’Asie du Sud-Est a renforcé sa position de partenaire fiable et apprécié dans la région. Au-delà des sondages positifs et des conversations personnelles, cette confiance est évidente dans les relations sécuritaires croissantes du Japon dans toute l’Asie du Sud-Est. Parmi ces relations, citons le récent accord d’accès réciproque avec les Philippines, la signature d’un partenariat stratégique global avec le Vietnam et la vente potentielle de frégates furtives à l’Indonésie pour un montant de 3,6 milliards de dollars.

 

Conclusion

Lors de l’élaboration des politiques dans la région indopacifique, Washington devrait être attentif aux nuances liées à la mémoire historique. En appréciant le contexte historique des relations du Japon avec des pays comme Taïwan, la Corée du Sud et les nations d’Asie du Sud-Est, les acteurs extérieurs peuvent naviguer plus efficacement dans le réseau complexe d’affinités et d’inimitiés de la région.

Washington doit ainsi comprendre que les opinions négatives de la Corée du Sud, bien qu’essentielles pour appréhender la dynamique régionale, ne sont pas représentatives de l’ensemble de l’Asie. Les griefs historiques de Séoul à l’égard du Japon sont profondément enracinés et complexes, mais ils contrastent avec la perception généralement positive ou à tendance positive du Japon dans d’autres régions, telles que Taïwan et l’Asie du Sud-Est. Dès lors, les politiques et les stratégies impliquant le Japon ne devraient pas être établies sur la base du point de vue de Séoul. Actuellement, Washington semble donner la priorité à la réconciliation entre Tokyo et Séoul pour cette raison, en s’attachant beaucoup moins à soutenir les initiatives sécuritaires japonaises dans le reste de la région. Ceci est probablement le résultat d’une relation de confiance de plusieurs décennies entre Washington et Séoul et d’un activisme fort de la part des Coréens et des Coréens-Américains mécontents de l’attitude du Japon vis-à-vis de la réconciliation. Ces points de vue sont réels et importants, mais une approche générique ne permettra pas de forger des partenariats régionaux plus efficaces et plus nuancés.

En effet, le désir tout à fait compréhensible de Washington de voir le Japon et la Corée du Sud coopérer davantage en matière de sécurité régionale pourrait paradoxalement bénéficier d’une dé-priorisation de cette relation bilatérale tendue. La promotion des biens communs que le Japon peut fournir à l’ensemble de la région pourrait finalement s’avérer plus efficace. Dans ce cas, cette approche permettrait à Tokyo et à Séoul de poursuivre leur lent et inégal processus de renforcement de confiance mutuelle, tout en permettant aux États-Unis de mettre l’accent sur des exemples plus positifs du leadership régional japonais.

Enfin, l’expérience du Japon montre que les États-Unis devraient aborder leur rôle dans la région indopacifique avec humilité. Les décideurs américains doivent reconnaître que dans de nombreux pays asiatiques, les États-Unis sont perçus non seulement comme un acteur extérieur, mais aussi comme un acteur de la mémoire historique. Cette perception exige une stratégie diplomatique sensible aux expériences historiques et aux sentiments actuels de chaque nation. Dans ce contexte, l’humilité consiste à reconnaître les actions négatives passées des États-Unis dans la région, telles que son comportement pendant la guerre du Vietnam, ou son implication dans le soutien de régimes autoritaires aux Philippines et en Indonésie. Le regain de popularité du Japon en Asie du Sud-Est suggère qu’un dialogue respectueux et empathique à long terme peut donner des résultats. Une telle approche renforcerait la crédibilité et l’efficacité des États-Unis dans la promotion d’accords de coopération en matière de sécurité dans une région cruciale.

 

Crédits photo : The White House

Auteurs en code morse

Ryan Ashley

Ryan Ashley est un officier de renseignement de l’armée de l’air américaine qui a acquis une vaste expérience opérationnelle en Asie de l’Est et au Japon. Il est doctorant à la Lyndon B. Johnson School of Public Affairs de l’université du Texas. Il est également chargé de cours à l’école des opérations spéciales de l’armée de l’air. Il a déjà publié des articles sur la sécurité en Asie de l’Est et les relations internationales dans War on the Rocks, Nikkei Asia et The Diplomat. Les opinions exprimées ici sont celles de l’auteur et ne représentent pas celles de l’armée de l’air américaine, du ministère de la Défense ou de tout autre organisme du gouvernement américain.

Suivez-nous en code morse