Invité de la deuxième partie : Olivier Weber, journaliste et grand reporter
Extraits de textes :
- La guerre du Malakand, Mémoires de guerre, 2012
« Un seul verre de champagne procure une sensation émoustillante. Les nerfs sont ravigotés, l’imagination est agréablement éveillée, les réparties deviennent plus vives. Une bouteille produit l’effet contraire. L’excès provoque une insensibilité comateuse. Il en va de même pour la guerre, et on en découvre l’arôme en goûtant les deux. »
- Mes Jeunes années, Taillandier, 2007
« Si seulement nous avions vécu cent ans plus tôt, quel bon temps nous aurions eu ! Imaginez un peu : avoir 19 ans en 1793 avec plus de vingt ans de guerre contre Napoléon devant soi ! Mais tout cela était fini. L’armée britannique n’avait jamais tiré sur des troupes blanches depuis la Crimée »
« Par bonheur, toutefois, il y avait encore des sauvages et des populations barbares. Il y avait les Zoulous et les Afghans, ainsi que les derviches du Soudan. Certains d’entre eux, pour peu qu’ils fussent bien disposés, pourraient bien s’agiter un jour. »
- Mes Jeunes années, Taillandier, 2007
« Depuis ma plus tendre enfance, je pensais aux soldats et à la guerre […] Je me disais que ce devait être une expérience passionnante et extraordinaire que d’entendre siffler les balles tout autour de soi et de jouer à chaque instant avec la mort et les blessures. »
- La guerre du fleuve, Mémoires de guerre, 2015
« Deux cents mètres plus loin, le régiment fit halte, se rassembla, fit volte-face et, en moins de cinq minutes, fut prêt pour une seconde charge. Les hommes étaient impatients de se tailler un chemin à travers les ennemis. Nous étions seuls face à̀ face, régiment de cavalerie et brigade derviche. La crête pendait comme un rideau entre nous et l’armée. Comme on ne la voyait pas, la bataille générale était oubliée. C’était une querelle privée. Là-bas, c’était peut-être un massacre, mais ici le combat était loyal, car, nous aussi, nous combattions à la lance et à l’épée. Il est vrai qu’ils avaient l’avantage du nombre et du terrain. Tout le monde se prépara à régler immédiatement le débat une fois pour toutes. Mais les officiers responsables commencèrent à̀ comprendre le coût de cette chevauchée sauvage. Des chevaux sans cavalier galopaient dans la plaine. Des hommes, s’accrochant à la selle, étaient ballottés ici et là, couverts de sang, ayant reçu peut-être une douzaine de blessures. Des chevaux, entaillés à coups de sabre et perdant des flots de sang, boitaient et titubaient avec leur cavalier. En 120 secondes, 5 officiers, 65 hommes et 119 chevaux sur moins de 400 avaient été tués ou blessés. »
- La guerre du fleuve, Mémoires de guerre, 2015
« Une infanterie tenace et inébranlable ne rencontre presque jamais une cavalerie inébranlable et tenace. Soit l’infanterie se débande et elle est anéantie dans la fuite, soit elle tient bon et détruit presque tous les cavaliers sous le feu. En cette occasion, deux murailles vivantes s’étaient écrasées l’une contre l’autre. Les derviches combattirent vaillamment. Ils tentèrent de couper les jarrets des chevaux. Firent feu à tous crins, pressant le canon de leur arme dans le corps même de leurs opposants. Coupèrent les rênes et les étrivières. Manièrent la lance avec une grande dextérité. Éprouvèrent des hommes pleins de sang-froid entrainés à la guerre et familiers de la cavalerie. En outre, ils maniaient de lourdes épées qui infligeaient des blessures profondes. Le corps à corps, de l’autre côté du ravin, dura peut-être une minute. Puis les chevaux se remirent, accélérèrent l’allure, et les lanciers s’extirpèrent de la mêlée. Moins de deux minutes après la collision, tous les hommes vivants étaient sortis de la masse des derviches. Tous ceux qui étaient tombés furent percés de coups jusqu’à ce qu’ils cessent de bouger. Mais aucune mutilation artistique ne fut tentée. »
- La guerre du Malakand, Mémoires de guerre, 2012.
« Il peut sembler difficile de croire que cinquante balles puissent pleuvoir sur un camp – formant un carré de cent pas de côté – bourré d’animaux et d’hommes, sans autre résultat que de blesser une mule à la queue. Mais tel fut le constat fait. Cela prouve la valeur du service actif pour le soldat. La première fois qu’il est sous le feu, il s’imagine en grand danger. Il croit que chaque balle va le toucher et que chaque fusil le vise. Il est évident qu’il sera tué dans un instant. S’il subit une ou deux fois cette ordalie, il commence à avoir une idée des chances qui sont en sa faveur. Il a entendu des tas de balles et aucune d’elles ne l’a blessé. Il pourra prendre le thé sain et sauf, comme il l’a fait la veille. Il devient une machine à combattre beaucoup plus efficace.
(…)
Une balle dans la jambe transforme un brave en lâche. Un coup sur la tête transforme un sage en fou. Et j’ai même lu qu’une bonne dose d’absinthe suffit à faire d’un honnête homme un voleur. Le triomphe de l’esprit sur la matière n’est pas encore totalement achevé. »
- Mes jeunes années (1930), Tallandier, « Texto », 2007.
« La guerre, qui était jadis cruelle et magnifique, est devenue aujourd’hui cruelle et sordide. En fait on a tout gâché. La faute en incombe à la Démocratie et à la Science. Dès l’instant où l’on a laissé ces fâcheux prendre part au combat, le destin de la guerre a été scellé. Au lieu de voir un petit nombre de professionnels bien entraînés défendre la cause de leur pays, avec des armes vénérables et en déployant les savantes beautés de manœuvres archaïques, soutenus à tous moments par les applaudissements de toute la nation, nous voyons maintenant des populations entières, comprenant même des femmes et des enfants, s’acharner l’une contre l’autre à s’exterminer sans merci, et il ne reste plus que quelques gratte-papier à l’œil morne pour dresser le bilan de la boucherie. Dès l’instant où la démocratie a été admise ou plutôt s’est imposée sur le champ de bataille, la guerre a cessé d’être une distraction de gentlemen. Au diable la guerre ! »
Musiques
- « Al grito de viva Espana », chanson de la guerre cubaine.
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