Changements climatiques, quelles perspectives en matière de sécurité civile au Canada ?

Le Rubicon en code morse
Juin 05

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Lorsque nous abordons les enjeux de sécurité climatique au Canada, nous pensons immédiatement aux enjeux stratégiques et militaires associés à l’Arctique, au passage du nord-ouest, et à l’accès aux ressources naturelles. Cependant, depuis quelques années, le Canada est confronté à des évènements climatiques extrêmes de plus en plus prononcés et fréquents. Ces évènements, tels que les fortes pluies, les tempêtes, les épisodes caniculaires ou les sécheresses sont la plupart du temps associés à des catastrophes naturelles (incendies, inondations, tornades) qui soulèvent des enjeux majeurs en termes de sécurité civile et humaine. Les changements climatiques ont de fortes répercussions sur les systèmes environnementaux et la société canadienne. Pour y faire face, le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux mettent en œuvre des politiques publiques de première importance pour lutter contre les changements climatiques, dont notamment le renforcement des politiques de conservation de l’environnement et l’extraction des minerais essentiels à la transition énergétique.

En soulignant les nouveaux risques en matière de sécurité publique, cet article propose une réflexion générale sur la manière dont les politiques publiques, parfois contradictoires, mises en œuvre pour lutter contre les changements climatiques peuvent accentuer les impacts sur l’environnement, voire conduire à des conflits environnementaux localisés. Nous aborderons pour cela dans un premier temps les risques en matière de sécurité civile et les répercussions sur les Forces armées canadiennes (FAC), puis les enjeux socio-économiques au Canada. Nous évoquerons par la suite les contradictions portées par les politiques publiques en matière de conservation de l’environnement et de transition énergétique et la manière dont elles pourraient accentuer de potentiels conflits environnementaux au Canada.

Implication sécuritaire des changements climatiques au Canada

Au Canada, les conséquences des évènements climatiques extrêmes sur la société et l’économie sont bien connues et documentées. Plusieurs évènements majeurs et marquants, ayant paralysé des provinces sur une partie importante de leurs territoires, sont en effet survenus au cours des dernières décennies. La crise du verglas au Québec, en 1998, a par exemple entraîné des dégâts majeurs sur les infrastructures électriques et routières et a coupé l’accès à l’électricité et à la mobilité à des millions de personnes tout en ayant entraîné 5,4 milliards de dollars de coût financier. En accord avec les différentes modélisations et anticipations issues des sciences de l’environnement et des étueds sur le  climat, ces évènements climatiques extrêmes se sont multipliés et diversifiés au cours des dernières années.

Ces évènements ont des conséquences importantes sur la sécurité humaine et les conditions de vie des populations, sur l’économie canadienne, sur les infrastructures publiques, mais également sur les capacités opérationnelles des Forces armées canadiennes et des différents corps impliqués dans la sécurité civile. En ce sens, plusieurs autorités et officiels canadiens soulignent qu’en plus des considérations stratégiques et géopolitiques, les changements climatiques représentent l’une des premières menaces sécuritaires du Canada pour les décennies à venir. L’altération du climat, la récurrence des évènements extrêmes et de catastrophes naturelles vont alors contribuer à une dégradation prématurée des infrastructures publiques, que cela soit au niveau des réseaux routiers, ferrés et des ponts, des réseaux hydroélectriques ou de la viabilité des centres urbains, ou encore des capacités de production agricole ou d’autres secteurs économiques.

Lors de l’été 2023, les feux de forêt survenus au Canada ont par exemple touché une superficie de 18,4 millions d’hectares, soit l’équivalent en superficie d’un pays comme la Grèce. Ils ont entraîné l’évacuation de plus de 240 000 personnes ainsi que la mobilisation des forces armées canadiennes. Celle-ci n’est pas inédite. Les forces armées sont en effet souvent sollicitées en matière de sécurité publique, que cela soit pour contribuer à limiter les impacts des évènements extrêmes sur les infrastructures publiques ou pour venir en aide aux populations. Les forces armées canadiennes sont par exemple intervenues en 2019 au Québec pour lutter contre les inondations ou la même année à Terre-Neuve pour faire face à la tempête hivernale qui avait alors paralysé Saint-Jean ainsi qu’une partie de l’île.

Si les FAC sont bien entraînées, elles ne le sont pas nécessairement pour faire face à ces différentes situations, tout comme leurs équipements qui pourraient être mal adaptés pour affronter des feux de forêt, par exemple. Si les militaires canadiens sont facilement mobilisables et peuvent être déployés massivement et rapidement sur le terrain, leur déploiement nécessite cependant une importante logistique et ne pourrait s’effectuer afin de procurer une réponse en première ligne. En parallèle, le recours aux forces canadiennes pour faire face à ces évènements extrêmes et les catastrophes naturelles en découlant amène à une surutilisation des unités opérationnelles, ce qui a non seulement un impact sur le matériel, le moral, la forme physique des effectifs, mais également sur les capacités des forces armées à pouvoir mobiliser rapidement des troupes pour faire face à des enjeux sécuritaires et stratégiques.

Cette situation amène certains acteurs issus de la société civile, comme le président de la Croix rouge canadienne ou des représentants politiques, à appeler à la création d’une force canadienne civile, dédiée à la lutte contre les évènements extrêmes et les catastrophes naturelles. Cette perception est par ailleurs partagée par plusieurs personnes désirant s’engager dans les FAC, mais souhaitant avant tout être mobilisées au Canada afin de venir en aide aux populations sinistrées et victimes des changements climatiques.

Changements climatiques, transition énergétique et conflits environnementaux

Les changements climatiques, les évènements météorologiques extrêmes et les catastrophes naturelles y étant associés sont sans aucun doute l’une des principales menaces sécuritaires des années à venir pour la société canadienne. Pour y faire face, le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux mobilisent d’importantes ressources et mettent en œuvre des programmes d’envergure tant pour préserver l’environnement et la biodiversité, que pour amorcer une véritable transition énergétique et révolution industrielle reposant sur les technologies dites décarbonées et l’énergie électrique.

En 2022, à l’issue de la COP15 de Montréal sur la biodiversité, a été signé l’accord de Kunming Montréal, autrement appelé initiative 30×30, engageant les parties prenantes à protéger d’ici 2030, 30 % des espaces terrestres et marins. Cette initiative vient alors complémenter les programmes provinciaux et fédéraux destinés à renforcer la protection de l’environnement, la conservation de la biodiversité et la lutte face aux changements climatiques. Nous observons en parallèle un renouveau minier dans différentes régions du Canada, notamment autour des minéraux dits critiques de la transition énergétique que sont le lithium ou le graphite. Ce renouveau minier est largement soutenu par le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux dans l’objectif de renforcer la transition environnementale et l’indépendance énergétique canadienne, ainsi que la lutte contre les changements climatiques.

De nombreuses recherches viennent cependant interroger les coûts environnementaux et les impacts sociaux des programmes de développement associés à  la transition énergétique. Nécessitant généralement des minerais spécifiques aux nouvelles technologies, ces développement contribuent à l’accumulation des pollutions et des dommages environnementaux des régions spécialisées dans l’extraction des ressources naturelles, généralement situées en périphérie des structures économiques internationales, dans le Sud global, ou des économies des Nords, les régions ressources ou périphériques dans le cas du Canada. Ce phénomène contribue alors à accroitre les échanges économiques inégaux et à accentuer les perceptions d’injustice environnementale et climatique.

Au Québec, nous constatons depuis plusieurs années la multiplication de projets de développement associés à la transition énergétique, matérialisés par un processus décisionnel et une opérationnalisation par le haut, la plupart du temps impliquant des acteurs économiques internationaux, qui rencontrent de nombreuses contestations et oppositions au niveau local. Comme le rappellent Fortin et Le Floch, l’exploitation des ressources naturelles y a longtemps été un des principaux moteurs économiques et de développement des régions et la superposition des différents usages ou des différents projets sur un même territoire a toujours suscité des défis.

Si en réaction aux crises successives de l’exploitation forestière et à la désindustrialisation, les régions québécoises se sont diversifiées pour davantage s’orienter vers le tourisme de conservation et de plein air, l’économie canadienne demeure en partie une « une économie de la frontière » qui repose sur l’exploitation de « régions ressources », l’« hinterland » selon l’appellation originale d’Innis, constituant des territoires semi-périphériques situés en frontière des centres urbains, économiques et de pouvoir, concentrés au sud du Canada.

Le renouveau minier au Québec vient ainsi polariser des régions redynamisées par l’effacement des frontières métropolitaines et la revalorisation des territoires ruraux, à la fois en matière d’habitat et d’accès à la nature. La transformation de ces territoires a été marquée par le renforcement, depuis les années 1990, des programmes de conservation de la biodiversité. Si les communautés riveraines sont plus propices à soutenir les aires naturelles protégées lorsqu’elles en perçoivent des contributions et bénéfices, l’implémentation d’espaces ou de mesures de conservation peut également générer des contestations et conflits locaux, notamment en raison de la transformation de l’accès aux ressources et de la transformation des structures socio-économiques locales.  Les programmes soutenant à la fois l’extraction des minerais critiques et le renforcement de la conservation de la biodiversité amènent alors à une situation paradoxale entre d’une part la nécessité de lutter contre les changements climatiques en accélérant les transitions environnementales, territoriales ou encore énergétiques et de renforcer la préservation de l’environnement et de la biodiversité et d’autre part en appelant à renforcer l’extraction minière afin de soutenir ces mêmes transitions. Ces injonctions de développement sont d’autant plus contradictoires qu’elles surviennent souvent au sein de mêmes territoires, comme cela peut-être le cas de la région des Laurentides ou de l’Outaouais au Québec.

Ce paradoxe tend également à confronter deux visions de la transition écologique, l’une imposée par le haut et reposant sur une vision développementaliste et institutionnelle, voulant valoriser les opportunités économiques tout en cherchant à réduire ou à mitiger les coûts et impacts environnementaux, comme cela peut être matérialisé par les plans québécois et canadiens pour les « minerais d’avenir » ou « critiques » ainsi que le développement de filières de batteries ou d’énergies dites vertes. En opposition se construit une approche davantage par le bas, appelant à considérer les enjeux locaux, l’intégration socio-environnementale et les effets cumulatifs de ces projets de développement, se superposant aux et accentuant les impacts des changements climatiques.

Appréhendés au niveau local, ces enjeux, autant portés par des citoyens, des organisations issues de la société civile que des élus locaux, amènent à repolitiser les questions socio-environnementales et de les ancrer dans le débat public. Au Québec, ce renouveau minier est d’autant plus sensible qu’il risque d’accentuer des conflits d’usage préexistant avec des communautés autochtones riveraines, voir créer de nouveaux conflits d’usage avec les communautés riveraines non autochtones et usagers récréatifs. Cette vision développementaliste, portée par les institutions provinciales et fédérales, se place également en opposition avec d’autres approches de la transition écologique, plus proche des perspectives de la décroissance, et trouvant un fort écho parmi les populations les plus jeunes, et de plus en plus politisées sur les questions écologiques, autant en milieu urbain que rural, comme le démontre le succès ces dernières années au Québec des marches pour le climat, ou de l’implantation du mouvement Extinction Rébellion.

Il est particulièrement instructif d’observer que ces injonctions contradictoires du développement peuvent également être observées dans plusieurs autres géographies, et notamment dans le Sud global, que cela soit en Amérique latine ou en Afrique. Depuis le début des années 2000, l’envolée des cours des métaux sur les marchés internationaux a par exemple suscité une véritable ruée vers l’or en Afrique, amenant à la multiplication des sites d’exploration et d’extraction minière dans des régions connaissant déjà de fortes pressions foncières et démographiques, renforçant en cela les pressions anthropiques sur les systèmes socio-environnementaux. Ce développement minier est soutenu et encouragé par les institutions financières régionales et internationales pour être utilisé comme un levier de développement. Il se superpose néanmoins, au sein de mêmes territoires, à des programmes destinés à lutter contre les changements climatiques et renforcer la conservation de la biodiversité.

Ces injonctions contradictoires viennent alors accentuer des perceptions d’injustice et d’iniquité au sein des communautés riveraines qui se voient exclues de l’accès à l’environnement en raison des programmes de conservation, et d’autre part affectées par les impacts du développement minier. Les griefs générés aggravent ainsi les conflits environnementaux préexistants ou en génèrent de nouveaux, affectent la cohésion sociale et politique des territoires concernés et interconnectent des conflits localisés en mobilisations de plus large échelle, voire les transforment en insurrections périphériques venant alimenté des dynamiques conflictuelles asymétriques transnationales, comme cela a été le cas au Burkina Faso.

Plusieurs de ces conflits environnementaux impliquent des acteurs économiques canadiens, également actifs sur le territoire canadien, pourtant réputés pour leurs pratiques en matière de Responsabilité sociale et environnementale (RSE) des entreprises. Même si le Canada n’est pas confronté à des enjeux sociaux, économiques et sécuritaires similaires, il apparait déterminant de porter une attention particulière sur les impacts socio-environnementaux des programmes contradictoires de développement. D’autant plus qu’à l’international ou au Canada les législations et programmes de gestion n’apparaissent pas être en mesure d’encadrer adéquatement le développement de sites extractifs en périphérie immédiate d’aires naturelles protégées, ni d’anticiper les effets cumulatifs qui seront associés aux changements climatiques.

Les études et programmes de gestion environnementale délimitent en effet les impacts en fonction de zones restreintes, sans considérer les altérations environnementales, sociales et économiques suscitées dans l’ensemble des régions d’implantation des sites miniers. Ils ne sont par conséquent pas en adéquation, ni avec les enjeux socio-environnementaux auxquels le Canada est actuellement confronté, ni avec l’attente des populations et notamment des communautés riveraines, souvent autochtones, des sites d’extraction et des aires de conservation des ressources naturelles.

Touchant à la fois aux enjeux environnementaux et aux droits des Premières nations ou des communautés rurales, les impacts de ces programmes de développement ont alors le potentiel de trouver un plus large écho au sein de la population canadienne, de mener à de mobilisations à l’échelle nationale et à investir le champ politique autant au niveau local, provincial que fédéral. Ce phénomène peut notamment être illustré par les mobilisations nationales survenues durant l’hiver 2020 en soutien à la Première Nation de Wet’suwet’en et en opposition à la construction du pipeline Coastal Gaslink, pourtant initialement soutenue et promue par le gouvernement fédéral.

Au Québec, plusieurs projets extractifs interviennent dans les périphéries immédiates des réserves fauniques de La Vérendrye, de Papineau Labelle, de Mastigouche ou des Laurentides, des parcs nationaux du Mont-Tremblant, de la Mauricie ou de la Gaspésie, ainsi que des parcs régionaux du Réservoir Kiamika ou du Lac Taureau. Ces projets extractifs viennent non seulement entrer en opposition avec les objectifs de conservation de l’environnement et de lutte contre les changements climatiques associés à ces aires naturelles protégées, mais ils viennent également se superposer à des conflits d’usage ou environnementaux préexistants.

Au cours de la dernière décennie, la Première nation Anichinabée a par exemple effectué plusieurs blocages pour protester contre la gestion de la chasse sportive à l’Orignal dans la réserve faunique de La Vérendrye. Un accord-cadre temporaire a alors été établi avec le gouvernement du Québec pour rétablir la cohésion sociale et régénérer la population d’orignal au sein du territoire. Cependant, le développement de différents projets extractifs pourrait autant mettre en péril le degré de collaboration entre la nation algonquine Anishinabeg et Québec que la conservation de la biodiversité.

Plus à l’est, nous observons une situation similaire dans la Matawinie, entre le parc national du Mont-Tremblant, le parc régional du Lac Taureau et la Réserve faunique Mastigouche. Dans cette région de Lanaudière, plusieurs tensions et conflits environnementaux sont déjà observés entre les industries forestières, le gouvernement québécois et la Première nation Atikamekw. Ces dernières sont alors accentuées par le développement du projet extractif Matawinie en cours de développement dans la municipalité de Saint-Michel-des-Saints. Le groupe Mobilisation Matawinie Ekoni Aci s’est alors constitué en opposition aux exploitations forestières et s’est renforcé en opposition au projet extractif, organisant plusieurs blocages de routes.

Dans la région, si les Municipalités régionales du comté (MRC) de la Matawinie tentent actuellement de délimiter ses territoires incompatibles avec l’activité minière, certaines municipalités, dont celle Saint-Michel-des-Saints, accueillent positivement le développement minier dans l’espoir d’un développement économique régional. À l’inverse, plusieurs autres municipalités, ainsi que le Conseil des Atikamekw de Manawan (CDAM), sont fermement opposées au développement extractif. Le CDAM dénonce notamment le manque de consultations préalables au développement du projet, l’accaparement d’une partie de son territoire ancestral ainsi que les impacts socio-environnementaux sur les communautés autochtones. Le CDAM affirme en ce sens que le développement extractif dans la région constitue « un pas en arrière dans la réconciliation » avec Québec.

Cette appréhension du développement extractif et des conflits environnementaux associés, en cours de constitution, ne touchent pas uniquement les Premières nations. De nombreuses populations, riveraines ou non, et acteurs régionaux soulignent autant les impacts négatifs sur leur environnement et cadres de vie, que les répercussions sur les pratiques de plein air et les économies touristiques associées aux espaces de conservation de l’environnement. Que cela soit dans les régions de Lanaudière, des Laurentides ou de l’Outaouais, ces enjeux sont alors mobilisés sur le plan politique et viennent autant reconfigurer les débats et enjeux politiques au niveau municipal que les relations entre municipalités, le provincial et le fédéral.

Conclusion

Dans le contexte actuel de lutte contre les changements climatiques, les injonctions à la conservation de l’environnement et à la transition énergétique viennent accentuer ces phénomènes. Les incitatifs fédéraux et provinciaux à la constitution au Québec d’une chaîne d’approvisionnement et d’une industrie de la batterie de niveau international vont accroitre les pressions anthropiques sur les ressources naturelles et systèmes environnementaux, y compris sur des systèmes fragiles et protégés, et constituer des effets cumulatifs venant accroitre les impacts des changements climatiques et par conséquent les conflits environnementaux et sociaux y étant associés.

Il apparait ainsi primordial de mieux déterminer et encadrer les impacts des programmes d’extraction et d’exploitation des ressources naturelles, de même que leurs effets cumulatifs pouvant accroitre les impacts des changements climatiques. Si nous observons déjà plusieurs conflits environnementaux venant porter atteinte à la cohésion sociale de certaines régions au Québec et au Canada, ceux-ci risquent d’être accentués autant par les changements climatiques que par les injonctions contradictoires de développement portées par les politiques publiques fédérales et provinciales. Alors que nous pouvons observer, au sein d’autres contextes sécuritaires et d’autres géographies, que la multiplication des conflits environnementaux localisés peut amener à leur interconnexion et à des mobilisations à l’échelle nationale, il semble nécessaire de circonscrire leur émergence au Canada et d’identifier puis d’anticiper avec précisions leurs répercussions à venir sur la cohésion sociale et la sécurité civile, autant au niveau provincial que fédéral.

Cette préoccupation est d’autant plus importante que dans le contexte international volatil actuel, la compétition est accrue pour sécuriser l’approvisionnement des minerais associés aux nouvelles technologies et à la transition énergétique. Au Canada et au Québec, les conflits environnementaux pouvant résulter de la multiplication de sites extractifs et des injonctions contradictoires du développement pourraient alors constituer une fenêtre d’opportunité pour les puissances concurrentes, notamment celles engagées dans les oppositions stratégiques en Arctique. Ces conflits localisés pourraient en effet amener à la constitution de proxys contribuant à l’accentuation des tensions et conflits domestiques au Canada. Si nous avons d’ores et déjà conscience des ingérences russes et chinoises dans les processus électoraux au Canada et aux États-Unis, les tentatives d’instrumentalisation et d’ingérence de la Russie, via l’Azerbaïdjan, dans les insurrections en Nouvelle-Calédonie amènent à ne pas minimiser la possibilité d’évolutions similaires dans des régions canadiennes et québécoises dont la continuité coloniale et les rapports de dominations y étant afférents sont toujours dénoncées par certaines populations issues des Premières nations.

Crédits photo : Toa55

Auteurs en code morse

Nicolas Hubert

Nicolas Hubert est post-doctorant au Centre FrancoPaix, Chaire Raoul Dandurand, à l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Il  travaille sur les enjeux liés à l’environnement, à la gestion des ressources naturelles ainsi qu’à la construction de l’État et à la consolidation de la paix dans les États fragiles ou les sociétés en situation post-conflictuelle. Ses recherches actuelles portent sur les conflits liés à la dégradation de l’environnement et le développement de l’industrie extractive.  

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