Après la chute de Bachar el-Assad et le retour de Donald Trump, un meilleur accord avec l’Iran ? - Le Rubicon

Après la chute de Bachar el-Assad et le retour de Donald Trump, un meilleur accord avec l’Iran ?

Le Rubicon en code morse
Mar 05

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Cet article est une traduction de l’article « Could the Fall of Assad and the Return of Trump lead to a better deal with Iran ? », publié sur War On the Rocks le 16 janvier 2025.

L’incapacité de l’Iran à soutenir le régime de Bachar el-Assad et à empêcher son effondrement, associée aux récents coups importants portés au Hezbollah et aux frappes israéliennes à l’intérieur des frontières iraniennes, soulignent la faiblesse régionale sans précédent de Téhéran.

Le soutien russe s’avérant peu fiable, la chute rapide du régime syrien a rappelé aux dirigeants iraniens le danger que représente leur isolement croissant sur le plan intérieur. Téhéran est désormais confronté à un choix crucial entre la poursuite dangereuse de ses ambitions nucléaires militaires en tant que moyen de dissuasion ultime, ou la recherche d’une désescalade au risque de paraître vulnérable.

Alors que Donald Trump a repris ses fonctions, une occasion unique d’influencer l’orientation de l’Iran se présente en renouvelant l’association d’une pression efficace et de négociations solides, visant principalement à une interdiction permanente et minutieuse de l’armement, tout en offrant à Téhéran d’éventuels avantages sur le plan domestique. Dans le même temps, le « plan B » militaire contre le programme nucléaire iranien, récemment débattu par l’administration Biden, devrait rester à portée de main – sur le plan opérationnel et politique – en cas d’échec de la diplomatie.

L’enchaînement des échecs de l’Iran

Ces derniers mois, le régime iranien a été confronté à une série de revers qui ont gravement entamé son prestige régional, qui n’a historiquement jamais été aussi bas. Il s’agit notamment de la décimation de la majeure partie de l’aile militaire du Hamas à Gaza, de l’affaiblissement substantiel de la direction du Hezbollah et de ses capacités offensives au Liban, de la première frappe militaire israélienne d’envergure à l’intérieur de l’Iran (une action sans précédent depuis la guerre entre l’Iran et l’Irak) et de l’effondrement du régime de Bachar el-Assad malgré les efforts prolongés de Téhéran pour stabiliser son allié syrien. Collectivement, ces événements soulignent les vulnérabilités du régime iranien et le dépeignent sous un jour négatif.

La stratégie de l’Iran, qui visait à cultiver des forces homologues pour encercler ses adversaires avec des défis sécuritaires, a largement échoué. Le contrôle d’un corridor crucial allant de l’Iran au Liban en passant par l’Irak et la Syrie a été perturbé, la cohésion de l’« axe de la résistance » s’est affaiblie et, au lieu de protéger son territoire par l’intermédiaire de mandataires, l’Iran s’est retrouvé engagé dans des confrontations directes avec Israël. Ces échanges ont gravement compromis les systèmes de défense aérienne de l’Iran, augmentant ainsi sa vulnérabilité. En outre, malgré deux démonstrations notables de la puissance des missiles iraniens au cours de l’année écoulée, ces efforts se sont révélés insuffisants pour empêcher de nouvelles frappes israéliennes.

L’axe de la résistance et le projet de missiles n’ayant pas réussi à protéger la sécurité nationale de l’Iran, le programme nucléaire de ce dernier est devenu le principal moyen de dissuasion potentiel contre les adversaires. Toutefois, malgré les progrès significatifs réalisés ces dernières années, la composante nucléaire, dans son état actuel, semble rester insuffisante pour écarter les menaces extérieures.

Les armes nucléaires représentent-elles une solution pour Téhéran ?

L’Iran se trouve aujourd’hui à un tournant décisif. Le dirigeant iranien, suivant les conseils d’éminentes personnalités de sa sphère politique et tirant les leçons des expériences de la Corée du Nord, de la Libye et de l’Ukraine, devrait-il opter pour l’armement nucléaire comme moyen de dissuasion ultime ?

Le fait que Bachar el-Assad n’ait pas pu compter sur l’aide de la Russie pourrait conforter les initiés du régime qui plaident en faveur d’une telle autonomie stratégique. Mais cette stratégie, qui vise à assurer la survie du régime, risque de légitimer d’importantes attaques étrangères sur le sol iranien. Le dirigeant iranien devrait-il au contraire privilégier la désescalade pour réduire les risques de confrontation et maximiser les gains économiques, au prix toutefois d’une érosion potentielle de l’image de résistance de l’Iran ? Ce dilemme pourrait être à l’origine de la déclaration du ministre iranien des Affaires étrangères selon laquelle « 2025 sera une année importante en ce qui concerne la question nucléaire iranienne ».

Le dirigeant iranien Ali Khamenei, qui s’est montré plus enclin à prendre des risques ces dernières années, est sur le point de se décider concernant cette question stratégique, car de nombreux défis internes sont en jeu : un fossé de plus en plus profond entre le régime et l’opinion publique, de graves difficultés économiques et une attention accrue portée à la question de la succession. La désintégration du régime syrien constitue pour les dirigeants iraniens un rappel brutal et une préfiguration possible du destin de Téhéran si ces questions ne sont pas résolues.

De meilleures conditions pour un nouvel accord

Dans ce contexte, les récents développements au Moyen-Orient, associés au retour de Trump à la présidence américaine, offrent une occasion unique pour modifier le paysage stratégique et éventuellement pour empêcher l’Iran de prendre des mesures périlleuses dans sa quête nucléaire. La réputation de Trump en tant que dirigeant imprévisible et énergique, associée à son empressement à conclure rapidement des accords qui ont échappé à d’autres, pourrait créer des conditions favorables à la négociation d’un nouvel accord avec l’Iran.

L’examen par Donald Trump des options de frappes militaires contre les installations nucléaires iraniennes pourrait signaler aux décideurs de Téhéran un éventuel changement de politique à Washington. L’indulgence du président américain à l’égard du recours à la force par Israël pourrait lui permettre d’influencer davantage les décisions stratégiques de l’Iran. L’empressement de Donald Trump à résoudre le conflit en Ukraine et à négocier avec Vladimir Poutine pourrait faciliter la collaboration entre Washington et Moscou, encourageant potentiellement cette dernière à exercer des pressions sur son allié à Téhéran, ce qui faciliterait la conclusion d’un accord avec l’Iran. La volonté de la nouvelle administration d’intensifier la pression sur Pékin pourrait se traduire par des mesures plus décisives, notamment une application plus stricte des sanctions pétrolières à l’encontre des entités chinoises. Cela augmenterait la pression économique sur l’Iran, qui dépend fortement des exportations de pétrole vers la Chine.

Il est possible de parvenir à un accord nucléaire « plus long et plus solide » avec l’Iran, mais la voie à suivre est difficile et le temps est compté. En octobre 2025, le mécanisme international permettant de réimposer à l’Iran les sanctions du Conseil de sécurité de l’ONU liées au nucléaire expirera. En outre, les préoccupations croissantes concernant les avancées nucléaires de l’Iran et leur impact sur les intérêts de sécurité à long terme pourraient pousser Israël à mener une attaque préventive, semblable à celles qu’il a menées contre les installations nucléaires de l’Irak en 1981 et de la Syrie en 2007. Les appels de plus en plus nombreux en faveur d’une attaque, notamment après la chute du régime Assad, l’affaiblissement du Hamas et du Hezbollah et les frappes israéliennes à longue portée au Yémen, suggèrent qu’une telle initiative est plus probable aujourd’hui. Cette possibilité reste pertinente, qu’une frappe élimine définitivement la menace nucléaire iranienne ou non.

Contrairement au précédent accord limité dans le temps, qui se concentrait sur les matières fissiles, un nouvel accord intemporel devrait donner la priorité à un examen détaillé de la fabrication d’armes nucléaires et renforcer les garanties. Outre l’importance des inspections pour accroître la transparence et la confiance, la souplesse d’accès aux installations iraniennes constitue à la fois un obstacle et un moyen de dissuasion potentiel contre les activités secrètes visant à promouvoir les armes nucléaires.

Outre son importance politique pour lier les décideurs à Téhéran, un accord axé sur l’armement a également une valeur déclarative vis-à-vis des cercles technologiques iraniens. Les scientifiques de haut niveau des organisations précédemment impliquées dans la militarisation, telles que l’Organisation iranienne de l’innovation et de la recherche en matière de défense (souvent connue sous le sigle SPND), peuvent percevoir les débats publics actuels sur l’explosion nucléaire militaire comme autant d’autorisations implicites de mener des activités d’armement, y compris secrètes. Par conséquent, un accord officiel dans ce domaine pourrait contribuer à supprimer ces initiatives venues de la base, dont certaines pourraient être mises en œuvre sans l’approbation des dirigeants, ce qui pourrait accélérer le calendrier de l’acquisition de l’arme nucléaire.

S’il est essentiel d’allonger le délai d’extraction des matières fissiles, certaines avancées technologiques de l’Iran ne sont plus réversibles. Dans les circonstances actuelles, il n’est peut-être pas possible de maintenir une distance d’un an jusqu’à ce que Téhéran soit capable d’enrichir de l’uranium à des niveaux de qualité militaire. Pourtant, la situation actuelle est intenable, puisque l’Iran n’est plus qu’à quelques jours de cet objectif.

Outre l’application d’une pression efficace, le régime iranien doit voir les négociations comme autant d’opportunité d’être en mesure de choisir, d’en retirer des avantages économiques durables et une stabilité interne. Préserver d’autres capacités limitées de dissuasion iranienne peut permettre aux dirigeants du pays d’éviter l’impression de capitulation et réduire ainsi la probabilité d’une résurgence future des ambitions d’armement nucléaire comme dernier recours pour projeter leur puissance et assurer la sauvegarde du régime. Se concentrer sur l’intégration de questions régionales ou de missiles dans un nouvel accord pourrait nuire à l’objectif principal. En outre, l’Iran a récemment subi des revers importants dans certains de ces domaines, qui peuvent être aggravés sans le consentement du régime.

Compte tenu de la tactique iranienne bien connue consistant à prolonger les pourparlers, il convient d’assigner un délai limité à la négociation d’un accord nucléaire. Dans le même temps, un nouvel accord ne doit pas être considéré comme une fin en soi, et l’urgence de résoudre la situation périlleuse actuelle ne doit pas conduire à des compromis qui maintiennent l’Iran dans une position nucléaire dangereuse. Par conséquent, le plan B militaire contre le programme nucléaire iranien doit être préparé en cas d’échec de la diplomatie, tandis que la préparation opérationnelle et la maturité politique sont essentielles pour permettre une action rapide.

Chute ou changement

Comme nous l’avons observé, même les régimes autocratiques bien établis finissent par s’effondrer. Les principaux facteurs de cette chute sont les faiblesses internes et les circonstances externes qui facilitent le changement. Le fossé entre le régime iranien et ses citoyens risque de se creuser davantage et le paysage mondial continue d’évoluer rapidement. Par conséquent, le régime iranien pourrait finir par s’effondrer ou être contraint de subir des transformations significatives.

Lorsque le régime iranien sera confronté à certains changements, il est possible qu’il renonce à son ambition de longue date de posséder des armes nucléaires. Jusqu’à ce qu’une telle transformation se produise, l’objectif reste inchangé : il faut empêcher le régime de se rapprocher de l’acquisition d’une arme nucléaire. C’est essentiel pour éviter une déstabilisation radicale de l’ordre au Moyen-Orient et pour arrêter l’accélération de la prolifération nucléaire régionale.

Crédits photo : Fars Media Corporation via Wikimedia Commons.

Auteurs en code morse

Assaf Zoran

Assaf Zoran est chercheur associé au Project on Managing the Atom and International Security Program de la Harvard Kennedy School’s Belfer Center for Science and International Affairs. Avocat, il a consacré ces 25 dernières années à l’élaboration de politiques, à la planification opérationnelle et au dialogue stratégique avec les décideurs en Israël et à l’étranger.

Comment citer cette publication

Assaf Zoran, « Après la chute de Bachar el-Assad et le retour de Donald Trump, un meilleur accord avec l’Iran ? », Le Rubicon, 5 mars 2025 [https://lerubicon.org/apres-la-chute-de-bachar-el-assad-et-le-retour-de-donald-trump-un-meilleur-accord-avec-liran/].
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