Les avancées de la Russie dans la compétition pour l’Arctique

Le Rubicon en code morse
Mai 31

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Cet article est la traduction de « Russia’s Gains in the Great Arctic Race », publié par War on The Rocks le 4 mai 2023.

 

En 2007, un drapeau russe cérémoniel en titane a été placé au fond de l’océan Arctique. À l’époque, le ministre canadien des Affaires étrangères, Peter MacKay, a plaisanté en disant : « nous ne sommes pas au XVe siècle. Vous ne pouvez pas parcourir le monde et planter des drapeaux. » Le fait que le drapeau russe ait été érigé à plusieurs milliers de mètres sous l’eau est un signal fort. La question du chevauchement des revendications internationales des fonds marins pour le pôle Nord peut sembler insignifiante en comparaison de l’invasion de l’Ukraine par la Russie et des tensions à Taïwan. Néanmoins, ce défi complexe en Arctique peut entraîner des répercussions géopolitiques majeures.

Pour promouvoir ses positions et depuis plus de deux décennies, la Russie mobilise ici le droit international. Il s’agit notamment de revendiquer des droits supplémentaires sur les fonds marins de l’Arctique. En février 2023, Moscou a discrètement remporté une victoire dans la bataille juridique concernant les fonds marins de l’Arctique. La Commission des limites du plateau continental (CLPC) des Nations Unies a ainsi approuvé la plupart des revendications russes sur les fonds marins dans la partie centrale de l’océan Arctique. Cependant, ce gain juridique important intervient dans un contexte de sécurité internationale très différent de celui au moment où Moscou a planté son drapeau au fond de l’océan. Dans le passé, l’Arctique offrait quelques opportunités de coopération et de coordination entre la Russie et l’Occident, mais cette dynamique a changé après l’invasion de l’Ukraine par la Russie en 2022. En l’absence de mécanismes de dialogue et d’engagement, et peut-être d’incitations pour pousser Moscou à continuer d’adhérer au régime juridique international de l’Arctique, la région pourrait être confrontée à des défis sans précédent.

Jusqu’à présent, Moscou a adhéré de près aux règles du jeu dans la « course » à la revendication des fonds marins et des richesses de l’Arctique. Cette course fait référence aux intérêts stratégiques convergents des États riverains de l’Arctique à savoir la Russie, les États-Unis, le Danemark, le Canada et la Norvège. Ces intérêts incluent l’accès et l’utilisation des nouvelles voies de transport mondiales, l’avenir des routes de données via les câbles sous-marins, les opportunités prédominantes de localisation par des satellites à des fins à la fois militaires et scientifiques, ainsi que l’accès aux ressources de l’Arctique (vivantes et non vivantes) et éventuellement leur contrôle.

La Russie a réussi à réunir un ensemble de preuves scientifiques nécessaires pour que sa revendication d’extension du plateau continental soit favorablement accueillie et ainsi légitimée. Des décennies de recherche scientifique, de missions dans l’Arctique et d’échanges d’informations avec le Danemark et le Canada ont conduit la CLCS à qualifier de « valide » la majeure partie de la revendication de Moscou concernant l’extension du plateau continental arctique.

Mais pourquoi la Russie choisirait-elle d’utiliser des moyens légaux pour obtenir des gains dans l’Arctique, plutôt que d’utiliser la force ? Il peut sembler étrange que la Russie n’ait pas encore adopté son « mécanisme par défaut » – la politique du fait établi ou le recours à la force – pour revendiquer et assurer le contrôle des vastes richesses minérales des fonds marins de l’Arctique. Au lieu de cela, le président Vladimir Poutine a préféré un processus juridique complexe. Il faut dire que celui-ci est de nature à accéder à certaines prétentions russes. L’appétence ici pour la règle traduit donc une politique juridique extérieure opportune et pragamtique.

Deux questions découlent de la recommandation de la Commission en faveur de la Russie. Pourquoi Moscou a-t-elle scrupuleusement respecté les règles et normes internationales dans l’Arctique, alors qu’elle ne l’a pas fait en Ukraine ? De plus, que compte faire la Russie de cette victoire juridique, surtout maintenant que la coopération et le dialogue en Arctique sont pratiquement gelés en raison de son invasion de l’Ukraine? Le Canada et le Danemark peuvent-ils – et pourront-ils – collaborer avec la Russie pour résoudre leurs propres revendications sur le plateau continental étendu en Arctique, ou l’unité occidentale en Arctique sera-t-elle confrontée à des défis de cohésion ?

Les fondements des revendications russes (sur les fonds marins) en Arctique

La Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (CNUDM) permet aux États côtiers d’établir les limites extérieures de leur plateau continental au-delà de la limite de 200 milles marins. La Commission des limites du plateau continental est instituée à cette fin. Cet organe composé de 21 experts dans les domaines de la géologie, de la géophysique ou de l’hydrographie étudie chaque dossier étatique. Son rôle consiste seulement à déterminer si les demandes d’extension d’un plateau continental sont conformes à la lettre sinon à l’esprit de l’instrument (et à son article 76 plus particulièrement). Elles ne préjugent en rien des questions liées à la délimitation des frontières entre États aux côtes opposées ou adjacentes, ni de la résolution d’un éventuel différend maritime. Dans la plupart des cas, la Commission recherche d’autres données scientifiques pour aider les États en question à mettre en œuvre leurs recommandations.

Dans le cas de revendications qui se chevauchent, telles que celles concernant les fonds marins de l’océan Arctique, la Commission émet simplement une recommandation quant à la validité d’une revendication. Elle ne l’accorde pas directement. Ces discussions sont laissées aux demandeurs dont les revendications se chevauchent, afin de négocier, et de parvenir à un accord ou de ne pas être d’accord entre eux.

Trois États – la Russie, le Danemark et le Canada – ont des droits souverains valides sur cette région de l’Arctique. Dans chaque cas, leurs plateaux continentaux respectifs s’étendent jusqu’à l’océan Arctique. Cependant, les États-Unis n’ont pas ratifié la CNUDM, et ont donc été exclus lorsqu’il s’est agi d’examiner une revendication sur le plateau continental étendu.

Il s’agit toutefois d’un long processus. Dans la plupart des cas, des décennies sont nécessaires à la CLPC pour examiner les revendications relatives au plateau continental étendu. Il convient de noter que l’État en question ne fait qu’acquérir des droits spéciaux (souverains) sur les fonds marins et la zone sous-jacente. Même dans ce cas, les recommandations de la Commission ne sont pas juridiquement contraignantes. Toutefois, si la Russie (ou tout autre État) adopte les recommandations en tant que délimitation du plateau continental, le résultat sera définitif et contraignant pour toutes les parties à la CNUDM.

Néanmoins, la Russie a clairement déployé les efforts nécessaires pour répondre aux exigences de la commission. En 2007, Yuri Trutnev, le ministre russe des Ressources naturelles de l’époque, a déclaré que la revendication de Moscou sur le plateau continental étendu visait à garantir la revendication de la Russie sur les vastes richesses minérales des fonds marins et du sous-sol de l’Arctique. Les estimations officielles russes montrent que jusqu’à 5 milliards de tonnes métriques de ressources en hydrocarbures se trouvent dans le plateau continental étendu revendiqué par Moscou.

La Russie a ratifié la CNUDM en 1997 et, comme toutes les parties, a bénéficié d’un délai de 10 ans à compter de la ratification pour déposer une revendication sur le plateau continental étendu. Même si elle avait jusqu’en 2007 pour le faire, Moscou a soumis sa revendication dès 2001. Cette soumission à la CLPC proposait une limite extérieure jusqu’au pôle Nord (géographique). Cependant, la Commission a exigé d’autres preuves scientifiques pour étayer la revendication de la Russie.

En 2015, la Russie a fourni à la Commission les preuves requises dans le cadre d’une soumission partiellement révisée. Toutefois, la revendication incluait désormais le pôle Nord. Moscou a effectué suffisamment de recherches et a maintenant recueilli des preuves solides pour revendiquer environ 1,2 million de kilomètres carrés des fonds marins de l’Arctique. La Russie a demandé la validation de droits souverains sur une zone équivalente à « la taille de la France, de l’Italie, de l’Allemagne et de l’Espagne réunies ». En attendant les délibérations de la Commission, Moscou a révisé sa soumission en 2021, en présentant un addendum qui élargissait essentiellement sa revendication aux zones économiques exclusives du Canada et du Danemark (par l’intermédiaire du Groenland).

Le 6 février 2023, la Commission a publié ses recommandations en réponse à la demande de Moscou concernant le plateau continental arctique étendu. Après délibération sur les informations fournies dans la communication partiellement révisée de la Russie en 2015, ainsi que dans l’addendum de 2021, la Commission a conclu que la grande majorité de la demande était valide (environ 1,7 million de kilomètres carrés de fonds marins). Cependant, environ  300 000 kilomètres carrés de la revendication étendue n’ont pas atteint le seuil scientifique de recommandation. Pourtant, moins d’une semaine plus tard, le 14 février, la Russie a soumis de nouvelles preuves scientifiques concernant cette partie de sa revendication.

Un avenir tumultueux et incertain

Certains affirment que la recommandation de la Commission en faveur de la Russie met effectivement fin au différend sur les fonds marins de l’océan Arctique. Cependant, Moscou a déjà ouvertement déclaré que cette récente recommandation « ne sera pas le dernier mot dans la discussion sur les droits des fonds marins de l’Arctique ».

Les demandes soumises à la CLPC sont traitées selon le principe du « premier arrivé, premier servi ». Cela signifie que les demandes du Danemark et du Canada concernant le plateau continental étendu dans l’Arctique ne seront examinées que dans un délai minimum d’une décennie. On s’attendait depuis longtemps à ce que les trois États continuent d’échanger des informations et maintiennent une position impartiale à l’égard des soumissions existantes des autres membres de la Commission. Cependant, les importants changements géopolitiques survenus dans l’Arctique en raison de la guerre russo-ukrainienne ont semé l’incertitude quant à l’effectivité du droit international dans la région arctique.

En effet, le principal forum de gouvernance de la région, le Conseil de l’Arctique, a suspendu ses travaux avec la Russie en mars 2022. Cela a certainement entraîné des répercussions sur le dialogue régional. Bien que le mandat du Conseil de l’Arctique ne couvre pas la sécurité militaire ou les préoccupations stratégiques, il constituait un forum structurant pour l’échange de dialogues et la coopération avec Moscou. Il est intéressant de noter que le sort de l’accord clé concernant les préoccupations stratégiques dans l’Arctique, la Déclaration d’Ilulissat de 2008, n’a pas été abordé par les États de l’Arctique.

La Déclaration d’Ilulissat est le document qui exprime l’intention des États de l’Arctique de coopérer dans la « délimitation des limites extérieures du plateau continental », assurant ainsi la « résolution ordonnée de tout chevauchement possible dans les revendications ». Fondée sur « la confiance mutuelle et la transparence », il est malheureusement fort probable que cette intention positive soit désormais bel et bien reléguée à l’histoire. L’Arctique a atteint un point de non-retour en termes de confiance, de respect et de dialogue circumpolaires.

En effet, le 27 février 2023, Poutine a signé des modifications de la réglementation liée à la stratégie de la Russie pour l’Arctique. Malgré une importante fanfare médiatique – bien que cela soit totalement prévisible pour les spécialistes de l’Arctique – la mention de l’engagement spécifique par le biais (et avec) le Conseil de l’Arctique, autrefois présente à la section 16(a), a été supprimée. Désormais, la Russie s’engagera dans l’Arctique sur une base exclusivement bilatérale avec d’autres États. Cependant, une ouverture a été laissée pour s’engager activement dans la recherche et « la coopération scientifique, technologique, culturelle et transfrontalière ». C’est une lueur d’espoir.

Aucun amendement n’a été apporté à la section 16(b) de la stratégie de la Russie. Moscou maintient que le Conseil de l’Arctique joue « le rôle d’une association régionale clé coordonnant les activités internationales dans la région ». De plus, il convient de noter qu’aucun amendement n’a été apporté à la stratégie de la Russie concernant le maintien de l’interaction avec les États arctiques sur « la question de la délimitation du plateau continental ». Par conséquent, la politique officielle de la Russie semble indiquer son intention de rester attachée aux processus de la CLPC et à l’esprit général de coopération entre les pays riverains de l’Arctique.

L’adhésion de la Russie au cadre juridique international dans l’Arctique est une bonne chose en théorie, mais ses actions en Ukraine suggèrent que Moscou pourrait facilement changer d’avis. La recommandation de la Commission légitime essentiellement un plateau continental arctique considérablement étendu pour la Russie. Cela sert les intérêts de Poutine de deux manières : sur le plan intérieur, cette « victoire » peut être également utilisée comme un récit public pour renforcer la position légitime de Moscou en tant que puissance prééminente de l’Arctique.

Tout rejet occidental de la décision de la Commission, ou tout rejet des voies juridiques convenues pour délimiter les revendications qui se chevauchent, serait également exploité pour renforcer la mentalité stratégique de la Russie de « nous contre l’Occident ». En acceptant la revendication de la Russie dans l’Arctique, cela pourrait également encourager des investissements étrangers de la part d’acteurs traditionnellement réticents à prendre des risques, ainsi qu’un engagement de la part d’États bien au-delà de l’Arctique – comme la Chine et l’Inde.

Notre horizon arctique

La sécurité dans l’Arctique connaît une évolution remarquable avec la validation d’une grande partie de la revendication de la Russie concernant le plateau continental étendu. Cette situation se déroule à un moment où la coopération et le dialogue circumpolaires dans l’Arctique risquent d’être rompus, et cela coïncide également avec un conflit ouvert impliquant la Russie dans une autre région.

Les négociations bilatérales en cours entre la Russie, le Canada et le Danemark pourraient encore se poursuivre et aboutir à un règlement. Les États peuvent choisir de « patienter » au moins pendant une dizaine d’années, pour recevoir les recommandations complètes de la Commission concernant les limites extérieures du plateau continental arctique, ou une résolution pacifique de la question pourrait être trouvée. Cependant, cela nécessiterait que les trois États délimitent leurs revendications de manière adéquate afin de permettre l’exploitation éventuelle des ressources des fonds marins et des sous-sols. Cela impliquerait bien sûr une réduction significative de la revendication de la Russie.

La priorité accordée aux ressources des fonds marins dans la réflexion russe relative à sa sécurité nationale laisse entrevoir toutefois plusieurs obstacles à une coopération avec les autres Etats. La stratégie actuelle de la Russie pour l’Arctique intitulée « Stratégie pour le développement de la zone arctique de la Fédération de Russie et la garantie de la sécurité nationale jusqu’en 2035 » a été présentée en 2020. Dans ce document, la délimitation du plateau continental étendu de la Russie est considérée comme essentielle pour la sécurité économique nationale. Il souligne que cette zone du plateau « contient plus de 85,1 billions de mètres cubes de […] gaz, 17,3 milliards de tonnes de pétrole […] et des réserves stratégiques nécessaires au développement de la base de ressources minérales de la Fédération de Russie ». Bien sûr, l’extraction des ressources des fonds marins au pôle Nord nécessiterait sans aucun doute des technologies et du capital, ainsi qu’un marché d’exportation viable à long terme (plus de 30 ans) et une clientèle : des objectifs qui ne sont pour l’instant que partiellement réalisables. De plus, la conquête des fonds marins de l’Arctique ne se limite pas aux droits sur les ressources (vivantes et non vivantes) ou à l’enrichissement de l’État. Sur le plan géographique, la présence de plus en plus active et de plus en plus physique de Moscou en Arctique rapproche en effet « l’ennemi » des « côtes polaires » de l’Amérique.

L’extraction des ressources offre également de nouvelles opportunités pour attirer dans l’Arctique des États qui sont en désaccord avec les États-Unis. Il est évident que des pays comme la Chine ne se contentent pas d’investir dans des projets de ressources – ils disposent de législations nationales et de capacités pour protéger les investissements de l’État en tant qu’intérêts stratégiques, y compris par des déploiements militaires. Une situation dans laquelle la Russie faciliterait une présence accrue de Pékin dans l’Arctique, relativement proche de l’Amérique du Nord, est préoccupante, car la Chine pourrait s’en servir pour légitimer une présence militaire active dans la région arctique.

En cas de conflit, la Russie possède des capacités inégalées dans l’Arctique. Moscou dispose d’environ 40 brise-glaces en activité – et d’autres sont en construction – si des « forces polaires » s’avéraient nécessaires afin de repousser les autres États qui revendiquent une partie des fonds en Arctique. Les États-Unis ont seulement deux brise-glaces adaptés à l’Arctique (Polar Star et Healy), qui sont tous deux de plus en plus sujets aux pannes et aux incendies.

La Russie de Poutine semble intéressée (notamment compte tenu des révisions susmentionnées de la stratégie arctique) à maintenir le dialogue avec le Danemark et le Canada en tant qu’États dont les revendications relatives aux fonds marins arctiques se chevauchent. De plus, alors que la présidence du Conseil de l’Arctique passe de la Russie à la Norvège, l’ordre du jour semble plutôt axé sur la survie du Conseil en tant que principal forum de diplomatie circumpolaire. Jusqu’à présent, la Norvège a évité les appels à exclure Moscou – le Premier ministre norvégien Jonas Gahr Støre indiquant récemment : « Les gens rayent la Russie de la carte comme si elle n’était plus là. Or elle est encore là ». De toute évidence, l’unité occidentale dans l’Arctique est confrontée à un avenir précaire en termes de cohésion. Bien sûr, « l’inconnu connu » (« known unknown ») dans la région est de savoir si la Russie reviendra à la table du Conseil de l’Arctique.

Dans le contexte de l’éclatement de la paix européenne, les prochaines étapes de la Russie dans l’Arctique pourraient très bien compromettre indéfiniment la notion de « High North, low tension » (« Grand Nord, basse tension »). Cette saga arctique ne semble pas avoir de conclusion claire, ce qui met en évidence les complexités du droit international en action : la Russie viole des règles fondamentale dans un domaine (le recours à la force, le droit international humanitaire) mais respecte scrupuleusement les normes en vigueur dans un autre (les limites du plateau continental) – du moins pour l’instant. Pour naviguer dans cette dualité, il sera nécessaire de rassembler des capacités diplomatiques agiles et, au moins, les bases d’un dialogue circumpolaire. Espérons que Moscou envisage de décrocher le téléphone.

 

Crédits photo : Bureau de presse et d’information de la présidence russe

Auteurs en code morse

Elizabeth Buchanan

Elizabeth Buchanan (@BuchananLiz) est membre non-résidente du Modern War Institute de West Point et membre du First Sea Lord Five Eyes du Royal Navy Strategic Studies Centre. Son livre Red Arctic a été publié le 24 mars 2023 chez The Brookings Press.

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